Un « Sommet de l'agriculture régénératrice » dont le thème était “The Global Event for Regenerative Brands and Leaders” s’est tenu à San Diego en octobre 2024. Les débats ont souligné à quel point le sujet de l’agriculture régénératrice devenait populaire aux États-Unis. La transition vers une agriculture régénératrice y est encouragée et financée par des grands groupes comme PepsiCo ou Walmart. On lira ci-dessous les conclusions et les premiers résultats de la mobilisation en faveur d’une transition vers l’agriculture régénératrice.
Le « sommet » a commencé par mettre d’accord les participants sur les objectifs et les avantages de l’agriculture régénératrice. Il existe de nombreuses définitions de l’agriculture régénatrice. Cependant toutes s’accordent sur son principal objectif : améliorer la « santé du sol », c'est-à-dire la vitalité des systèmes biologiques complexes présents dans le sol (champignons, bactéries, vers de terre, insectes bénéfiques et nématodes...), l’eau et la biodiversité tout en assurant une production alimentaire saine et économiquement viable. Ses principes sont :
- Éviter les perturbations mécaniques par la réduction, voire l’élimination du labour, et de tous autres travaux intensifs du sol. L’objectif est de préserver la structure du sol, la vie microbienne et le réseau fongique qui sont essentiels à sa fertilité. Le semis direct est une pratique courante.
- Maintenir le sol couvert par les cultures principales, les cultures de couverture ou les résidus de culture tout au long de l’année. Cela protège le sol de l’érosion.
- Maximiser la diversité des cultures : la rotation des cultures sur de longues périodes favorise la biodiversité, réduit les dégâts des ravageurs et optimise le recours aux nutriments.
- Intégrer, quand c’est possible l’élevage : l’élevage, géré de manière holistique,peut jouer un rôle crucial dans le cycle des nutriments. Ses déjections enrichissent le sol.
- Réduire l’utilisation des intrants synthétiques comme les engrais chimiques, les pesticides, les herbicides en privilégiant les solutions naturelles et biologiques.
Les sols entretenus de cette manière construisent une structure granulaire et agrégée basée sur des « matières organiques stables » (MOS), de sorte que le sol peut « respirer », capter une plus grande partie des précipitations ou de l’eau d’irrigation, stocker une plus grande partie de cette eau et retenir/recirculer les nutriments minéraux dont les plantes ont besoin pour se développer.
Avantages environnementaux
Les pratiques telles que le semis direct et les cultures de couverture, qui permettent d'accumuler de la matière organique dans le sol au fil du temps, peuvent conduire à une séquestration nette du carbone. L'utilisation parcimonieuse d'engrais réduit l'empreinte carbone de la production et, dans de nombreux cas, diminue le ruissellement ou le lessivage des nitrates et du phosphore. Cela a des effets bénéfiques sur la qualité de l'eau et, dans certaines circonstances, peut minimiser l'empreinte de gaz à effet de serre causée par les émissions indirectes d'oxyde nitreux. En règle générale, les systèmes agricoles régénératifs sont plus résilients face aux événements climatiques extrêmes (sécheresse, fortes pluies…).
L’agriculture régénératrice favorise une meilleure gestion de l’eau : l’amélioration de la structure du sol et de sa capacité à retenir l’eau réduit le ruissellement, l’érosion et les besoins en irrigation.L'amélioration de la biodiversité des systèmes régénératifs est un autre avantage : création d’habitats favorables aux insectes pollinisateurs, aux auxiliaires de culture et à la faune en général. Les cultures et les pâturages régénératifs peuvent présenter des différences mesurables dans la densité nutritionnelle des aliments en termes d'oligo-éléments et/ou de graisses saines. Il s’agit là d’un argument très attrayant pour les consommateurs.
Enfin, sur le plan socio-économique, l’agriculture régénératrice favorise la viabilité économique des exploitations. À long terme, la réduction, des intrants et l’amélioration de la santé des sols entraînent des économies de coûts et une stabilité des rendements.
Encourager la transition
Une fois définis les principes et méthodes de l’agriculture régénératrices, le sommet a débattu des moyens de la faire adopter par les agriculteurs. Un thème qui est revenu à plusieurs reprises est l'importance de créer un système qui fonctionne vraiment pour l'agriculteur, car c'est lui qui doit investir dans l'équipement et les fournitures, prendre des risques et s'engager à long terme.Les règles de l’agriculture régénératrice ne doivent pas être hyper-prescriptives parce que « chaque ferme est différente ».
Un autre thème important est celui de la confiance. Les pratiques agricoles individuelles qui composent un programme de régénération sont déjà utilisées par les agriculteurs à des degrés divers, mais c'est un grand pas que de passer à un ensemble complet de pratiques dans le cadre d'un engagement à durée indéterminée. Pour prendre une décision aussi importante, les agriculteurs ont tendance à se tourner vers des « conseillers de confiance » au sein de leur propre communauté, tels qu'un conseiller agricole agréé ou un autre agronome. Un programme PepsiCo/Walmart fait spécifiquement appel à ce type d'expertise et utilise également des essais de démonstration locaux dans 82 exploitations agricoles à travers le monde afin que les producteurs puissent voir les résultats dans leur propre environnement. L'étape suivante tend à être franchie par les agriculteurs qui ont tendance à être des « adopteurs précoces » et qui peuvent alors fournir des preuves supplémentaires à leurs voisins.
Le contexte est favorable. Les agriculteurs ressentent déjà les effets d'événements climatiques extrêmes, ce qui les motive pour évaluer l'agriculture régénératrice comme un moyen de protéger leur revenu agricole et leur capacité à transmettre une entreprise viable à la prochaine génération. Outre les conseils fiables et les preuves locales, le passage à un programme régénérateur implique généralement un certain investissement dans des éléments tels que l'équipement ou les semences de cultures de couverture. Il y a également des risques de rendement au cours des premières saisons avant que les avantages de la santé du sol ne commencent à se faire sentir. Dans plusieurs des programmes régénératifs réussis, les sponsors fournissent aux agriculteurs un financement de transition. Par exemple, dans le cadre de son projet 2023, PepsiCo a apporté son soutien à 5 500 agriculteurs qui ont procédé à ce type de changements et ont ainsi été en mesure de favoriser l'adoption d'une agriculture régénératrice sur 1,8 million d'acres (728 430 hectares).
Lutter contre l’écoblanchiment
En raison d'exemples problématiques de greenwashing ( écoblanchiment ), est née la nécessité d'une vérification indépendante et par une tierce partie des avantages de l’agriculture régénratrice. Pour les protocoles qui impliquent des pratiques agricoles telles que le semis direct et les cultures de couverture, l'imagerie satellitaire et aérienne peut être utilisée pour documenter le fait qu'elles sont utilisées dans un champ donné. Les avantages quantitatifs peuvent être calculés sur la base de modèles. Les données fournies par les fournisseurs d'intrants et les technologies de suivi des rendements peuvent être utilisées pour documenter les améliorations réelles de l'efficacité de l'utilisation des ressources, ce qui a bien fonctionné dans divers protocoles de durabilité élaborés par des groupes multipartites tels que Field-To-Market.
Il existe des systèmes de certification régénérative indépendants et commerciaux, qui sont déjà appliqués sur des surfaces importantes comme par exemple, le programme Regenified Certification). Il existe également des certifications spécifiques à un projet, dans lesquelles une tierce partie est appelée à valider un protocole spécifique entre l'agriculteur et l'acheteur final. Une étape importante vers une norme mondiale a été franchie en septembre 2023 lorsque la plateforme SAI a annoncé un nouveau « cadre mondial pour les pratiques d'agriculture régénérative » intitulé « Regenerating Together » (Régénérer ensemble). SAI apporte 20 ans d'expérience et a joué un rôle déterminant dans l'organisation de normes et de certifications collaboratives mondiales pour l'agriculture durable. Des acteurs majeurs de l’industrie agroalimentaires – Nestlé, Danone, Unilever et PepsiCo – se sont engagés à respecter ces normes.
Quelle sera la trajectoire de l’agriculture régénératrice ?
Une enquête menée par le groupe de certification rRegenefied™ a mis en évidence une sensibilisation croissante de la population américaine au terme « régénératif », en particulier parmi ceux des acheteurs qui se fondent sur des valeurs autres que le prix, le goût ou la marque. Après une explication du terme rRegenerative, ces consommateurs ont évoqué les avantages de la régénération des sols, de l'amélioration de la biodiversité et de la restauration de l'écosystème. Ces consommateurs pourraient être disposés à payer un supplément de prix ou à privilégier les marques certifiées Rregenerative. Ce supplément pourrait être reversé aux producteurs.
Pour atteindre son potentiel optimal de résilience de l'environnement et de l'approvisionnement alimentaire, la trajectoire de l'agriculture régénératrice doit aller bien au-delà de la naissance d'un segment haut de gamme. De nombreuses entreprises de l'industrie alimentaire traditionnelle choisissent d'investir dans l'expansion de l'agriculture régénératrice à la fois comme une forme de responsabilité sociétale d'entreprise et pour « préparer l'avenir » de leurs chaînes d'approvisionnement en augmentant la quantité de terres agricoles résilientes au climat dont dépendent leurs produits. C'est la logique qui sous-tend les projets de régénération soutenus par PepsicCo, Walmart, Mars, ADM et bien d'autres.
Source : Forbes
