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Les recherches du Dr Benbrik sur les biofertilisants microbiens

L'avenir de l'agriculture se trouve sous nos pieds, dans le monde microscopique des microbes bénéfiques. Alors que l'agriculture est confrontée à des défis croissants exacerbés par le changement climatique, il.

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LA SCIENCE AU DÉFI DE LA PAUVRETÉ HYDRIQUE

L’humanité est en passe d’enfoncer le seuil de pauvreté hydrique – 1 000 m3 d’eau par an  et par habitant – en deçà duquel sa sécurité alimentaire serait gravement compromise..

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Biotechnologie des algues et télédétection au service de l’agriculture intelligente

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Algae biotechnology and remote sensing for intelligent agriculture

Mascir is a multidisciplinary R&D centre associated with UM6P. Its work in a wide range of fields includes advanced research into algae biotechnology and remote sensing, which have a number.

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Quel financement pour l’économie paysanne africaine ?

L’accès au financement reste un problème majeur pour les agriculteurs en Afrique subsaharienne. Le manque de disponibilité des crédits est considéré comme un obstacle central, sinon le plus important, à.

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La Muraille verte, une solution pour le Sahel ?

À travers l’Afrique, du Sénégal à Djibouti, le rempart végétal le plus long du monde est en cours d’édification : la Grande Muraille Verte. 7 600 km de long. Bien plus qu’un programme.

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LES BIOTECHNOLOGIES VEGETALES, PILIERS DE LA SECURITE ALIMENTAIRE EN AFRIQUE

Tout au long du 21ème siècle, la croissance de la production agricole en Afrique reposera sur des gains de productivité importants. Les biotechnologies végétales qui accélèrent le processus de sélection pour obtenir plus rapidement des variétés de plantes dotées des caractères souhaités seront une aide importante pour y parvenir.

1ère PARTIE

IMPOSSIBILITE D’ATTEINDRE LES OBJECTIFS DE CROISSANCE SANS RECOURS AUX BIOTECHNOLOGIES VEGETALES

La croissance de la production agricole africaine nécessaire pour améliorer le taux d’autosuffisance alimentaire du continent reposera sur des cultures locales plus productives.

Selon l’OCDE, l’organisation de coopération et de développement économique, la production de racines va atteindre 4,850 millions de tonnes en 2031, soit 900 000 tonnes de plus qu’en 2019-2021.

Les variétés plantées devront être en mesure de s’adapter à l’évolution du climat et à ses excès. Les productions de céréales et de légumineuses croitront aussi de 20 % durant cette période grâce à des gains de productivité élevés de près de 2 % par an. Comme la population africaine est amenée à doubler d’ici 2050, les gains de productivité devront se poursuivre chaque année.

Sans le recours aux biotechnologies végétales, les objectifs de croissance de ces productions sont inatteignables.

« Les biotechnologies végétales aujourd’hui utilisées font partie de la gamme d’outils pour la sélection mis au point au fil des innovations, de l’évolution des technologies et des connaissances scientifiques, explique Georges Freyssinet, président de l’AFBV, l’association française des biotechnologies végétales. Elles sont complémentaires et sont toutes utilisées avec l’idée de créer plus rapidement de nouvelles variétés de plantes adaptées au climat, plus résistantes aux pathogènes et agresseurs, plus productives et moins gourmandes en intrants.

Georges Freyssinet, président de l’association française des biotehnologies végétales

Georges Freyssinet, président de l’association française des biotehnologies végétales

Les biotechnologies végétales au service de la sélection

Les biotechnologies végétales employées en sélection végétale peuvent être classées en fonction des trois modes opérationnels identifiés dans le processus de sélection.

  • L’augmentation de la variabilité génétique

En plus des croisements au sein d’une espèce, les biotechnologies offrent trois approches possibles :

  • la mutagenèse naturelle ou induite ;
  • la transgénèse qui permet d’introduire de nouveaux gènes, de nouveaux caractères, dans la plante
  • et l’édition génomique ou mutagenèse ciblée qui permet de modifier un gène présent pour qu’il confère un nouveau caractère
  • La rapidité de transfert du caractère recherché
    Dans cette catégorie on peut citer la culture in vitro, le micro-bouturage ou l’haplodiploïdisation.
    - La culture in vitro et le microbuturage accélèrent les cycles végétatifs sans passer par le stade floraison et le stade graines.
    - Par microbouturage, on multiplie aisément des plantes hybrides identiques. C’est aussi un mode de multiplication aisé pour les plantes qui ont une descendance faible.
    - L’haplodiploïdisation est une méthode utilisée pour fixer plus rapidement le matériel génétique en cours de sélection. Elle repose sur l’obtention de plantes haploïdes (n) à partir des organes mâles ou femelles suivi du doublement du stock chromosomique (2n).
    Par haploïdiploïdisation, le gène muté ou introduit est ensuite doublé en une génération.  Il est  ainsi stabilisé en une génération sans avoir recours à des back cross.
    Auparavant, pour stabiliser les génomes des plantes dotées de nouveaux caractères, il fallait opérer six à huit croisements successifs (ou back-cross).
  • L’identification de la plante d’intérêt
    Différentes techniques permettent d’isoler les plantes qui présentent des caractères recherchés une fois le croisement obtenu.
    - Les marqueurs moléculaires repèrent ces caractères parmi le génome de la plante. Avec le marquage moléculaire on peut suivre le caractère au cours des descendances.  Si on couple le suivi du caractère par marqueurs avec les back-cross on obtient la plante intéressante en 2 à 3 générations au lieu de 6 à 8
    - On réalise aussi des phénotypages à haut débit en cultivant les plantes à tester dans de nombreuses parcelles d’essais. Il s’agit en fait de repérer les plantes les plus intéressantes qui se développent.  Grâce aux outils de mesure très précis aujourd’hui disponibles, on peut réduire la taille des parcelles d’essai et multiplier leur nombre.
    - Des tests de résistance in vitro de morceaux de plantes aux molécules cibles (toxine de champignon par exemple), complémentés par des cultures en parcelles, font aussi partie de la batterie des technologies employées pour identifier les plantes d’intérêt.
vue panoramique d’un champ de manioc, de maïs et de millet (@ Nieuwenkampr)

vue panoramique d’un champ de manioc, de maïs et de millet (@ Nieuwenkampr)

Accélération de la sélection végétale 

A l’exception de la transgénèse, l’ensemble des biotechnologies présentées accélère seulement le processus de sélection pour obtenir plus rapidement des variétés de plantes dotées des caractères souhaités. Elles valorisent seulement le patrimoine génétique des plantes qui existe dans la nature.

Les biotechnologies autorisées et employées n’introduisent pas de gènes exogènes. Et surtout, elles sont utilisées sans faire débat.

Ces biotechnologies végétales se distinguent en cela des plantes génétiquement modifiées PGM.  Celles-ci avaient constitué en leur temps, à la fin du 20ème siècle, un saut technologique car il s’agissait alors d’élargir la variabilité génétique des plantes cultivées en leur conférant de nouveaux caractères en les dotant de nouveaux gènes pouvant provenir d’une autre espèce.

Depuis le début du 21ème siècle, les technologies d’édition génomique ouvrent de nouvelles possibilités pour accélérer le processus de sélection.  Seront-elles mieux accueillies que les technologies de transgénèse ?

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Le pastoralisme a-t-il un avenir en Afrique?

La plupart des écosystèmes arides et semi-arides d’Afrique sont principalement dédiés à différents types d’élevage extensif. Ces systèmes occupent une place essentielle dans la valorisation des espaces et des ressources.

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Afrique, des campagnes et des villes : Des systèmes agroalimentaires territorialisés

  Résumé Comment les systèmes agroalimentaires pourront-ils contribuer à la souveraineté alimentaire alors que la population africaine va doubler en 25 ans ? Les réponses sont dans de nombreux territoires déjà en germe..

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Space footprint and renewable energies  

The ecological emergency focuses on climate change. This is legitimate, but it leads to a simplifying obsession: energy is scarce, so we must save it. In France, we don't spare.

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Mieux exploiter les eaux souterraines

Les eaux souterraines représentent la majeure partie des réserves d’eau douce mondiales (99%). Elles assurent la moitié de l’approvisionnement domestique et rural. Invisibles, les eaux souterraines ne bénéficient pas de.

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Semences biotech et semences paysannes en Afrique : l’option de la diversification

[inbound_button font_size="14" color="#8d0100" text_color="#ffffff" icon="download" url="https://dev.willagri.com/wp-content/uploads/2020/03/Dossier-Willagri-Avril-2020.pdf" width="" target="_blank"]Télécharger le dossier en PDF[/inbound_button]

 

En décembre 2019, le Kenya a décidé d’autoriser dans le pays la commercialisation du coton transgénique. « Elle doit permettre aux agriculteurs d’obtenir de meilleurs revenus grâce à une augmentation de la production », a expliqué le chef de l’État, Uhuru Kenyatta. Cette décision est largement passée inaperçue. Pourtant, elle représente un tournant. Le pays, qui s’était doté d’une loi de biosécurité en 2009, avait interdit toute importation de produit transgénique, qu’il s’agisse de denrées ou de semences destinées à la production. Les plantations GM (génétiquement modifiés) étaient proscrites. Seule la recherche, très encadrée, avait pu se poursuivre. D’un côté, l’African Agricultural Technological Foundation (AATF)[1], une organisation pro-OGM installée à Nairobi, pressait le gouvernement de lever son interdiction, pendant que de l’autre côté, Greenpeace l’appelait à maintenir l’interdiction afin d’empêcher « une prise de contrôle du système alimentaire par les entreprises ».

Le Kenya a finalement décidé d’adopter pour la mise en place des cultures transgéniques l’approche en trois étapes, appelée 3 F : Fiber-Feed-Food (fibre-alimentation animale-alimentation humaine). La première est celle de l’adoption du coton Bt[2], suivie de celle de cultures fourragères, puis viendra éventuellement la production d’aliments OGM destinés à la consommation humaine. Les autorités considèrent de la sorte avoir le temps de conduire les évaluations nécessaires sur les risques associés à ce choix. Les expérimentations en plein champ menées dans le pays ces dernières années du coton Bt ont permis d’observer des rendements supérieurs de 30 % par rapport au coton conventionnel. L’argument est donc agronomique ; l’autre argument est industriel, le pays ayant l’ambition de s’installer comme leader régional dans la production textile. Comme première économie d’Afrique de l’Est, la position du Kenya peut avoir un effet d’entraînement sur ses voisins qui partagent les mêmes défis agricoles et industriels.

Depuis les années 1980, de nouvelles technologies utilisées par les sélectionneurs de semences sont apparues, inspirées par le génie génétique et la science des génomes, avec notamment pour conséquence le développement de plantes GM. La recherche en biotechnologie a connu depuis un essor considérable. Alors que l’insécurité alimentaire continue d’affliger les populations africaines, le recours à ces ressources, notamment aux semences transgéniques, est présenté pour ses partisans comme devant permettre de lever la plupart des contraintes qui pèsent sur le développement de l'agriculture. Pour autant, les décideurs, les scientifiques et les agriculteurs africains demeurent divisés quant aux avantages et aux risques potentiels des cultures transgéniques[3].

Comment se présente la controverse et quelles sont les perspectives du recours aux semences issues des biotechnologies pour résoudre les problèmes agronomiques et de l’alimentation en Afrique ? Qu’en est-il de la cohabitation possible avec les procédures conventionnelles en matière de production de semences à l’échelle des paysanneries ? Ces questions sont fondamentales pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle du continent et vont se révéler encore plus pressantes dans le contexte de la sortie de la pandémie du COVID-19 qui aura perturbé les systèmes agricoles et alimentaires, tout en ouvrant de nouvelles perspectives.

OGM, les précédents sud-africain et soudanais

En 2018, la surface mondiale couverte par les OGM était de près de 192 millions d’hectares, soit 12 % des cultures mondiales dans 26 pays (ISAAA, 2018). Quatre cultures génétiquement modifiées dominent : le soja pour l’alimentation animale, le maïs, le colza et le coton, pour atteindre une quasi-saturation aux États-Unis à 93,3 % (moyenne pour le soja et le maïs), le Brésil (93 %), l'Argentine (proche de 100 %), le Canada (92,5 %) et l'Inde (95 %). Les cultures biotechnologiques se sont étendues avec la luzerne, les betteraves sucrières, la papaye, la courge, l'aubergine, les pommes de terre et les pommes, qui sont toutes déjà sur le marché. L'Indonésie a planté la première canne à sucre résistante à la sécheresse. La recherche sur les cultures biotechnologiques menée par les institutions du secteur public comprend le riz, la banane, le manioc, l’igname, la banane, le cacaoyer, le caféier, la pomme de terre, la patate douce, le blé, le pois chiche, le pois d'Angole (Cajanus cajan) et la moutarde avec divers traits de qualité nutritionnelle et d'importance économique bénéfiques pour les producteurs et les consommateurs d'aliments dans les pays en développement.

En Europe, le maïs MON810, qui produit un insecticide contre la pyrale, est la seule espèce autorisée. La France a quant à elle adopté un moratoire contre les plantations GM sur son sol. Pour autant, 70 OGM sont autorisés à la consommation en Europe, la plupart étant destinées aux animaux d’élevage. Ainsi, l’Europe importe du soja transgénique pour nourrir le bétail et donc en consomme indirectement.

Les cotons transgéniques sont aujourd'hui produits par la plupart des grands pays producteurs : Chine, États-Unis, Australie et Inde dans des exploitations de très grande taille. Le Brésil l'a autorisé en 2006. Deux pays africains ont rejoint ce groupe depuis plusieurs années : l’Afrique du Sud et le Soudan.

L'Afrique du Sud figurait parmi les 10 premiers pays du monde ayant planté 2,7 millions d'hectares de cultures biotechnologiques. Dès 1997 des cotonniers et des maïs transgéniques résistants à des lépidoptères ont été plantés à des fins commerciales sur plus de deux millions d’hectares. Le pays s'est par la suite mis au soja GM. L’adoption a été progressive. Aujourd’hui, 80 % du maïs, 85 % du soja et près de 100 % du coton sud-africains sont génétiquement modifiés, pour un total d’environ 3 millions d'hectares.

Pour sa part, le Soudan a cultivé 245 000 hectares de cotonnier Bt, avec un taux d'adoption de 98 % parmi les agriculteurs. Parmi eux, on en compte 90 000 disposant de petites exploitations, d'une superficie moyenne de 2,1 hectares. Dans le but de stimuler la diffusion de cette biotechnologie, certains de ces gènes ont été introgressés dans les variétés locales. Les résultats sont variables. Pour les petits agriculteurs pratiquant la culture manuelle, le coût additionnel associé aux licences du transgénique est rarement compensé par les augmentations de rendement qui demeurent faibles. En revanche, pour les exploitations de 50 hectares ou davantage, l’avantage économique est net, mais diversement selon de niveau d’infestation des champs et les conditions climatiques.

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Les racines économiques et sociales de la guerre au Sahel

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En ce début de décennie la France est engagée depuis 7 ans dans une guerre au Sahel dont on voit mal l’issue. L’objectif de cette analyse est de rappeler qu’après la guerre du désert focalisée sur le nord Mali, l’expansion djihadiste vers le sud et la multiplication rapide des actions armées depuis 3 ans dans les zones agricoles du centre du Mali, du nord et de l’est du Burkina et du nord-ouest du Niger se déroule dans un environnement de pauvreté, de fragilités et de piètre gouvernance locale. L’agriculture y est fragile, peu productive, menacée par le réchauffement climatique et la sécurité alimentaire incertaine. Certes les racines du (des) conflits en cours sont loin d’être essentiellement économiques. Interviennent en effet des perceptions d’injustice de la part de certaines communautés ou individus, un besoin de sécurité dans un contexte où presque tout le monde est armé, la volonté de vengeance après des exactions des forces armées nationales ou de groupes d’autodéfense, la tentation de poursuivre différemment le brigandage pour d’anciens coupeurs de route et enfin la dimension religieuse qu’il ne faut pas minimiser. L’analyse portera sur les trois pays qui sont au cœur de cette guerre, le Mali, le Burkina et le Niger.

Une caractéristique du déplacement du centre de gravité du djihadisme au Sahel vers le sud, est son articulation avec des conflits locaux larvés souvent anciens qui ont en quelque sorte sédimenté et dont la base est souvent économique. L’arrivée de noyaux djihadistes dans ces environnements difficiles et conflictuels, véritables barils de poudre, a servi et sert encore d’étincelle. Cette guerre du Sahel se présente finalement tant dans le centre du Mali qu’au Burkina, et ceci au-delà de son affichage djihadiste, comme un ensemble d’insurrections paysannes[1] et de conflits intercommunautaires. Ces conflits sont liés à une démographie incontrôlée, un sous-emploi massif, des dégradations environnementales, des problèmes fonciers ou à des difficultés économiques et sociales qu’une meilleure gouvernance locale et des programmes de développement adaptés auraient peut-être pu désamorcer.

Des économies marquées par le sous-emploi

Toute cette région sahélienne souffre en premier de son enclavement. Les ports du golfe du Bénin sont à plus de 1000 km et de nombreux obstacles liés au mauvais entretien des infrastructures et aux contrôles routiers licites et illicites entravent les échanges régionaux. Le secteur privé est très faible par suite de cet enclavement, de l’étroitesse du marché intérieur, de coûts des facteurs élevés et d’un environnement des affaires défaillant. Le développement industriel reste très limité en dehors de la transformation primaire des produits agricoles (égrenage du coton - rizeries) et de l’uranium du Niger qui est en crise. La faiblesse de l’industrie et du secteur privé provoque un sous-emploi urbain généralisé et le développement d’un secteur artisanal et de services informel à très faible productivité. La révolution des TIC est par contre en cours avec une rapide pénétration du téléphone. Ces pays peuvent jouer un rôle de nœuds de communication régionaux entre le golfe du Bénin, en particulier la Cote d’Ivoire et le Nigéria avec le Maghreb. Mais cette activité est pour l’instant limitée à un commerce portant sur des biens présentant de forts différentiels de prix en particulier avec l’Algérie (fuel, pâtes alimentaires, téléviseurs, etc.)  le transport des migrants, ou des activités franchement illicites (armes de Libye, cocaïne provenant d’Amérique latine, cigarettes du moyen orient, hashish provenant du Maroc …)

Une démographie hors de contrôle alimente une bombe sociale

La démographie qui est absolument hors de contrôle avec des taux de fertilité extrêmement élevés (de l’ordre de 7) et qui n’ont pratiquement pas changé depuis les indépendances, bloque ces pays dans une trappe à pauvreté. Le cas le plus inquiétant est certainement celui du Niger où la population est passée de 3 millions à l’indépendance à 21 millions aujourd’hui. Or le taux de croissance de la population augmente et atteint 4 % par an ce qui constitue un record mondial. Les perspectives à horizon 2035 pour ce pays (avec un minimum de 40 millions d’habitants) sont très inquiétantes au regard du potentiel agricole ou industriel. A l’horizon 2050 elles sont franchement angoissantes (de 60 à 89 millions d’habitants selon l’évolution du taux de fécondité). Cette démographie induit dans tous les pays des charges sociales insupportables en particulier en matière de santé et d’éducation, face aux cohortes de jeunes qu’il faut scolariser chaque année. Malgré des efforts budgétaires considérables et une rapide augmentation des taux brut de scolarité l’enseignement en milieu rural est très peu performant et inadapté ; la couverture sanitaire est insuffisante et de médiocre qualité.

Une agriculture fragile à très faible productivité

Le pays le moins bien doté en capacités de productions agricoles est le Niger dont la zone agricole est extrêmement restreinte (8% du territoire), le Mali bénéficiant en revanche d’un important potentiel en matière d’irrigation dans le delta intérieur du fleuve Niger. Au Burkina la question foncière devient particulièrement aigue et nourrit le conflit largement perçu localement comme un affrontement entre paysans Mossis et éleveurs Peulhs (ce qui correspond à une vision très simplifiée). Toute cette région souffre d’une économie à très faible productivité, essentiellement fondée sur une agriculture extensive soumise à des chocs climatiques récurrents. Cette agriculture dont vit selon les pays de 70 à 80 % de la population reste ainsi une activité très aléatoire. Par suite de ces aléas climatiques, l’intensification de l’agriculture pluviale est pour l’instant très risquée et peu rentable en dehors des périphéries urbaines et des zones irriguées et la consommation d’intrants chimiques est extrêmement faible (6 à 10 kg /ha). La production irriguée est certes en rapide développement, mais son impact sur la sécurité alimentaire reste et restera sauf au Mali marginal. Enfin l’avenir du pastoralisme transhumant est incertain face à l’extension vers le nord des zones de cultures et la disparition des jachères.

Une activité agricole très aléatoire

Malgré ces handicaps, la production agricole dans ces trois pays a globalement suivi les besoins d’une population en croissance extrêmement rapide, ce qui est remarquable vu ces conditions agro-climatiques défavorables. Même au Niger cette croissance agricole s’est globalement maintenue mais a toutefois été extrêmement volatile à cause de la vulnérabilité d’un secteur dépendant d’une pluviométrie très irrégulière. Ainsi, au cours des dernières années, la croissance agricole au Niger a connu des variations extrêmes (+16,2% en 2008, -9,5% en 2009, +16,7% en 2010 et -3,7% en 2011). Outre leurs effets immédiats sur la production du secteur et la consommation des ménages agricoles, l’impact de ces chocs continue à se faire sentir pendant plusieurs années, en décapitalisant les exploitations agricoles et les privant de leurs outils productifs, en entrainant des pertes fiscales et en devises pour le pays (dues à la diminution des exportations et l’augmentation des importations de denrées alimentaires) et en détournant des ressources financières substantielles pour gérer les crises au lieu de financer le développement du pays.

Une pauvreté accentuée par la démographie

Malgré cette bonne croissance agricole, la pauvreté qui a diminuée en pourcentage a augmenté en termes absolus dans ces trois pays. Au Mali il est remarquable de souligner que la pauvreté est plus marquée dans les zones à fort potentiel agricole (manifestement mal valorisé) comme Mopti ou Sikasso que dans les régions semi désertiques comme Kidal et Gao qui vivent largement des divers commerces et trafics transsahariens, ou que la région de Kayes qui bénéficie d’importants transferts des migrants. Au Niger neuf pauvres sur 10 se trouvent en zone rurale. Or contrairement à ce que l’on pourrait attendre, les zones les plus au sud, bénéficiant d’une meilleure pluviométrie, présentent des niveaux de pauvreté parmi les plus élevés du pays (certains cantons des régions de Tillaberi ou de Maradi connaissent ainsi un taux de pauvreté supérieur à 70%).


Un des facteurs déterminants du niveau de pauvreté rurale semble donc avoir été la forte augmentation de la densité de population dans le sud qui a réduit la superficie des exploitations et donc la production agricole et les revenus de chaque ménage. [1] Il faut noter que les régions où l’incidence de la pauvreté est la plus forte sont celles où la part de la population engagée dans l’agriculture est la plus forte et où la taille des familles et les ratios de dépendance sont aussi élevés. Les grandes familles tendent à être les plus pauvres, ce qui semble indiquer que bien que les activités agricoles exigent une main d’œuvre importante, l’accès de plus en plus difficile au capital foncier à cause de la pression démographique rend la productivité marginale de cette main d’œuvre de plus en plus faible.

Des relations sociales intercommunautaires fragilisées par la démographie


Le système de production agricole extensif est fondé sur des rotations impliquant de longues jachères habituellement fertilisées par des troupeaux transhumant. Il était bien adapté et probablement optimal dans un contexte de très faible densité de population. Il était encore viable pour des densités atteignant environ 40 hab /km2. Mais dans les régions où la pluviométrie permet l’agriculture pluviale sans risques excessifs, (plus de 350 mm), les densités dépassent fréquemment 100 voire 150 hab/km2. Dans ces conditions, faute d’espace, les durées de mise en jachère diminuent, et dans les zones les plus peuplées les jachères disparaissent au détriment de la fertilité des sols. La réduction et disparition des jachères sont désormais une source de conflits constants entre agriculteurs et éleveurs dont les parcours sont bloqués par l’extension agricole.  Les frictions habituelles entre communautés s’aggravent désormais par suite de la circulation des armes. Tant les éleveurs que les agriculteurs forment au Mali et au Burkina des groupes d’auto-défense qui procèdent à des règlements de comptes entre communautés aboutissant dans certains cas à des massacres. Les mosaïques ethniques d’une grande complexité compliquent singulièrement la résolution pacifique de ces conflits.

Une agriculture menacée par le réchauffement climatique

Dans ces conditions il ne faut pas s’étonner de conditions de vie rurale particulièrement misérables. Les villages ont très rarement accès à l’électricité[1] et souffrent du manque d’entretien des pistes d’accès. Or en dehors des opérations cotonnières qui au Mali et au Burkina sont des succès, il n’y a ni mécanisme ni institution permettant d’agir rapidement et massivement sur les conditions de vie en milieu rural. Point particulièrement préoccupant, le déplacement historique des isohyètes vers le sud et le réchauffement climatique menacent cette agriculture à l’horizon 2035 en accroissant le caractère aléatoire des pluies. Ainsi, les pertes de rendement attendues sont de l’ordre de 20 à 30 % pour le mil et le sorgho.

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Les grands bassins de production agricole règnent sur les marchés

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Contrairement aux apparences, agriculture et industries minières possèdent de nombreux points communs : En particulier, la course au gigantisme est un de leurs points communs. Ce n’est pas nouveau concernant les mines. Mais contrairement aux idées reçues, il en est de même en agriculture, au moins lorsqu’il s’agit d’approvisionner les marchés mondiaux. D’immenses exploitations agricoles fournissent les industries agroalimentaires et les centrales d’achats des supermarchés. Or ces exploitations se consacrent souvent à une seule production. Elles ne sont pas dispersées au hasard, mais sont regroupées dans un petit nombre de régions agricoles très spécialisées.

Au Moyen âge, L’Europe était parsemée de petites mines de plomb, zinc, étain, cuivre…Trop petites, trop isolées et peu rentables, ces mines et les unités industrielles associées du Massif central en France, de Thuringe en Allemagne ou de Bohême en République tchèque, n’ont guère passé le cap de la première guerre mondiale. Malgré leur passé glorieux, les bassins houillers du Nord de la France, de la Belgique, de la Grande Bretagne ou même de la Ruhr ont à leur tour peu à peu fermé après la seconde guerre mondiale.

Seules s’imposent encore aujourd’hui dans le monde, les mines géantes comme au Canada, au Chili, en Mauritanie, en Afrique du Sud ou en Australie par exemple. Ce sont des exploitations à ciel ouvert qui traitent des quantités énormes avec des coûts de production très faibles. Elles sont reliées par chemin de fer à des ports spécialisés où viennent s’approvisionner les grands cargos de fret.

Quoiqu’avec un peu de retard sur le secteur industriel, le même phénomène de concentration s’est produit en agriculture. Aujourd’hui, de grands bassins de production agricole approvisionnent les marchés mondiaux. Ils sont constitués d’immenses exploitations agricoles de dizaines, voire de centaines de milliers d’hectares. Par exemple, 47 000 exploitations brésiliennes ont plus de 1000 hectares (dont un quart plus de 10 000 hectares) et couvrent près de la moitié de la surface cultivée alors que 5 700 000 de moins de 100 hectares n’en exploitent que 21. En Ukraine une exploitation gère 600 000 hectares et plusieurs firmes aux mains d’oligarques russes dépassent 1 million d’hectares. Ces véritables firmes sont parfaitement équipées, gérées rationnellement et évidemment emploient de la main d’œuvre salariée. Les récoltes sont acheminées vers les ports d’embarquement en utilisant selon les cas une voie d’eau, le train ou une noria de camions. C’est le cas des plaines nord-américaines avec le Mississipi et le St Laurent, des pays dits « de la mer Noire » vers les ports de la mer d’Azov, ou encore de l’Argentine avec le terminal de Rosario sur le Parana.

Mais malgré leur taille, ces bassins de production ne couvrent au total qu’une fraction des surfaces cultivées dans le monde et n’assurent qu’une part certes importante mais non majoritaire de l’alimentation humaine. Car la plus grande partie de celle-ci reste entre les mains des centaines de millions de tout petits paysans. Bien sûr, leurs micro-exploitations ne jouent qu’un rôle tout à fait marginal lorsqu’il s’agit d’approvisionner les marchés mondiaux. Mais elle est essentielle pour nourrir la grande masse des populations rurales et même les villes voisines.

Les grandes régions agricoles dédiées aux exportations

Quelques grands bassins de production dominent donc tous ces marchés internationaux, qu’il s’agisse de ceux des céréales, du sucre, des oléagineux ou des produits laitiers. Et il en est de même des bananes, des avocats, du café, du cacao ou du thé. Car chacune de ces grandes productions provient d’un tout petit nombre de régions très spécialisées qui sont en mesure d’offrir d’énormes quantités de produits, strictement normalisés et à un prix très compétitif. Ce sont justement ces caractéristiques que recherchent les grands traders, les industriels de l’agroalimentaire, les organismes d’achat des pays acheteurs et au final la grande distribution.

 Certes, les consommateurs bénéficient à leur tour, et toute l’année, d’un approvisionnement régulier de produits d’une qualité constante et à bas prix. Mais évidemment ces produits peuvent provenir de l’autre bout du monde, car c’est le marché qui en décide.

Prenons le cas du blé. Cette céréale, largement cultivée et consommée dans le monde, exige beaucoup d’espace. Mais le cœur des zones approvisionnant le marché mondial du blé se situe dans des régions particulièrement favorables à cette culture en raison de leurs conditions pédo-climatiques et des structures de production des exploitations. C’est le cas des plaines Nord-américaines entre les grands lacs et les Montagnes rocheuses (soit près de 20 millions d’hectares consacrés au blé), de la Pampa en Argentine, des terres noires d’Ukraine et du Sud de la Russie ou encore des plaines de l’Union européenne.

 En 2019-2020, la production totale de blé devrait atteindre 765 millions de tonnes. Le commerce international pourrait porter sur environ 175 millions de tonnes (22,6 %). Sur ce total, les pays de la mer Noire devraient exporter 60 millions de tonnes, Etats-Unis et Canada 24 à 25 millions de tonnes chacun et l’Union européenne à peu près autant (dont 11,7 pour la France). Il faut ajouter l’Argentine avec 14 millions de tonnes et peut-être autant en Australie, sachant que ce dernier pays est, plus encore que d’autres, soumis à de très fréquents aléas climatiques. Au total, cette petite poignée de pays va exporter 162 millions de tonnes, c’est-à-dire près de 93 % du total mondial.

Face à eux, les pays acheteurs sont beaucoup plus nombreux. Et certains sont très déficitaires eu égard à des besoins croissants et à des récoltes structurellement déficitaires. Ainsi pendant cette campagne 2019-2020, les cinq pays d’Afrique du Nord devraient importer 28 millions de tonnes de blé. Mais les pays du Moyen Orient, l’Indonésie, la Corée du Sud ou le Japon sont aussi de gros importateurs, tandis que l’Afrique subsaharienne accroît rapidement ses importations de blé.

Si on passe à l’ensemble des céréales (à l’exception du riz), il faut ajouter à ce petit groupe les grands exportateurs de maïs, essentiellement, outre les Etats-Unis, le Brésil et loin derrière l’Afrique du Sud.

Le marché du soja est encore plus concentré puisque trois pays, les Etats-Unis, le Brésil et l’Argentine assurent l’essentiel de la production et des exportations. La Chine absorbe 60 % de ces dernières et l’Union européenne une bonne partie du reste. De même l’huile de palme qui est principalement produite en Indonésie et en Malaisie, est majoritairement destinée aux consommateurs chinois et indiens.

Le marché des produits laitiers est dominé par la Nouvelle Zélande et l’Union européenne suivies de loin par les Etats-Unis.

 Les productions de fruits exotiques, légumes ou fleurs sont également très concentrés. Prenons les bananes. Elles sont consommées en grande quantité aux Etats-Unis ou en Europe et proviennent d’immenses plantations installées sur de petites et riches plaines côtières de quatre pays d’Amérique centrale ou du Sud (Costa-Rica, Guatemala, Colombie et Equateur). Si on ajoute les Philippines, cinq pays couvrent 83 % du marché international des bananes. Les plantations et le commerce sont entre les mains de grands consortiums comme Chiquita, Dole ou Del Monte qui exploitent chacune des dizaines de millions d’hectares.

Pour leur part, le Ghana et la Côte d’ivoire assurent 60 % de la production de cacao, tandis que celle de café est dominée par le Brésil, le Vietnam et la Côte d’Ivoire.

Cette concentration des productions agricoles offre donc des avantages évidents pour les grands fermiers, les intermédiaires et les transformateurs, mais aussi, et au moins à court terme, pour les consommateurs. En revanche, elle présente aussi de gros inconvénients.

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Des terres agricoles disponibles en Afrique subsaharienne ?

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Les projections sur les potentialités de l’agriculture de l’Afrique subsaharienne qui appuient les opérations foncières à grande échelle qui s’y déploient, reposent sur une rhétorique du « continent vide », adaptée pour fonder les politiques agricoles mais aussi pour justifier toutes les convoitises. Cette thèse de l’existence de « ressources dormantes » qui serait d’environ un milliard d’hectares en surfaces agricoles utiles est erronée. Cet article introduit le concept de Disponibilité réelle en terres agricoles et prend en considération l’ensemble des contraintes qui pèsent sur le foncier afin d’évaluer les surfaces susceptibles d’être effectivement consacrées à l’agriculture.

Les hypothèses des projections de production les plus optimistes s’appuient sur la rhétorique de l’Afrique riche de « ressources foncières dormantes », « vacantes et sans maîtres ». Il y aurait une abondance de terres disponibles, non affectées et n’attendant qu’à être mises en valeur. Déjà une cinquantaine de millions d’hectares de terres arables ont fait l’objet de transactions, entre 2000 et 2018, au bénéfice d’intérêts étrangers pour 90 % d’entre elles (Oakland Institute, 2019). Elles seraient concentrées dans certaines régions particulièrement favorisées en matière de fertilité des terres, d’accès à l’eau et d’infrastructures de transport.

Cette rhétorique est aussi bien adaptée pour répondre la question de la capacité de l’Afrique à occuper une population active agricole qui a toutes les chances d’augmenter d’environ 330 millions de personnes sur les 40 ans qui séparent 2010 à 2050 et de son aptitude à couvrir par elle-même ses besoins alimentaires par l’exploitation de ses disponibilités foncières.

La réalité est plus complexe. La disponibilité foncière est une notion relative dans un continent où se superposent divers modes d’appropriation et d’usage, mais aussi marqué par de fortes contraintes agronomiques et écologiques.

Une connaissance robuste et détaillée des disponibilités agricoles demeure indispensable pour estimer les potentialités des productions comme les possibilités d’installation des nouveaux arrivants. Sur la base de nouvelles estimations et d’une analyse plus exigeante, ce dossier reprend un précédent article de Willagri (20 novembre 2017), « intitulé le mythe de l’abondance des terres arables en Afrique », et tente de répondre à trois questions : Peut-on évaluer les vraies disponibilités en terres agricoles ? Peut-on identifier les contraintes qui s’opposent à leur extension ? Et entrevoir les dynamiques en jeu associées à la « mise sur le marché » du foncier africain ?

Le disponible, l’exploité et l’inexploité

  Afin d’évaluer les surfaces susceptibles d’être consacrées à l’agriculture en Afrique au Sud du Sahara, introduisons la notion de disponibilités en terres en distinguant 5 soldes successivement :

  • Le total, qui correspond à la surface terrestre disponible totale ;
  • L’utile, après soustraction des zones incultes ou habitées ;
  • Le potentiel, après soustraction des forêts et des aires protégées :
  • l’exploité qui fait actuellement l’objet d’une exploitation agricole ;
  • enfin le solde exploitable qui correspond à la surface agricole effectivement disponible et non cultivée, biologiquement utile et économiquement viable sans coûts excessifs pour la société comme pour l’environnement.

Prenons à présent pour en faire la mesure les données de la récente étude du Bauhaus Luftfahrt de Munich (Riegel, Roth et Batteiger, 2019) établis sur la base des données géospatiales à haute résolution pour estimer les superficies dévolues à différents types d’utilisation du sol, complétées par celles l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAOSTAT)[1].

L’approche est dite « résiduelle », en ce sens où sont progressivement identifiés les superficies qui ne sont pas disponibles pour l’agriculture, permettant ainsi de faire varier le solde si des changements sont opérés dans chacune des rubriques.

Avec un total de 2 456 millions d’hectares, le sous-continent subsaharien est vaste.

Les superficies considérées comme utiles, c’est-à-dire virtuellement susceptibles d’être consacrées à une activité économique, quelle qu’elle soit, couvrent près 1 537 millions d’ha de cet ensemble[2], après retrait des eaux continentales, des terres considérées comme incultes parce qu’affectées par la désertification et des zones de peuplement habitées, les villes, les voies de transport, etc. (ELD-UNEP, 2015 ; Riegel et al., op.cit.).

Pour obtenir le potentiel, il faut ôter les forêts (677 mha) et les aires protégées (155 mha[3]), reconnues pour leur valeur écologique et dont l’exploitation à des fins agricoles nuirait gravement aux équilibres environnementaux[4].

Au sein du solde disponible potentiel, celles effectivement déjà exploitées, mises en culture annuelle et pérenne, représentent environ 240 millions d’hectares (OCDE/FAO, 2016 ; FAOSTAT, 2019).

Enfin, les prairies (y compris les parcours, les pâturages et les terres cultivées semées d'arbres de pâturage et de fourrages) consacrées aux pâturages permanents et au pastoralisme extensif, couvrent environ 29 % des surfaces disponibles utiles (non incultes pour l’élevage), soit 445 millions d’ha (FAOSTAT, 2017)[5].

Tableau 1. Disponible utile, potentiel, exploité et inexploité (en millions d’ha)

©GRET

Le solde net exploitable est d’environ 100 millions d’hectares[1]. La précision des données est relative, mais une conclusion semble s’imposer : « il y a toujours substantiellement moins de disponibilités foncières viables qu’on l’affirme le plus souvent une fois pris en compte toutes les contraintes et les arbitrages à faire entre diverses fonctions » (Lambin et al., 2014, p. 900). Parmi ces fonctions, il faut prendre en considération d’autres que strictement agronomiques ou économiques et qui sont souvent occultées dans les argumentaires qui vantent les opportunités associées aux potentialités agricoles du sous-continent subsaharien[2].

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Les protections à l’importation des productions agricoles en Afrique subsaharienne

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Ce dossier se compose de  deux parties distinctes :

1) Une présentation synthétique des protections à l’importation sur les produits agricoles : état des lieux et enjeux pour l’Afrique subsaharienne par Jean-Christophe Debar et Abdoul Fattah Tapsoba de la Fondation Farm ;

2) Un débat entre Jean-Christophe Debar (Président de Farm), Pierre Jacquet (président du Global Development Network et du Conseil scientifique de FARM) et Laurent Levard (spécialiste des questions d’agriculture et de politique commerciale au Gret).

La question traitée est d’une importance capitale pour l’avenir des agricultures africaines : les États de l’Afrique subsaharienne ont-ils intérêt à augmenter ou diminuer les droits de douane sur les produits agricoles importés ? La réponse des intervenants est toute en nuances : le pragmatisme est de mise. En effet, toute hausse, en renchérissant le prix des aliments importés, pénaliserait les populations urbaines. Toute baisse, en entraînant une chute des aliments importés, pénaliserait les petits agriculteurs soumis à une concurrence accrue des produits achetés à l’étranger. La question du niveau des droits de douane doit se traiter dans le cadre plus large des politiques agricoles des États. Notamment, une baisse des taxes à l’importation ne peut être légitime que si elle s’accompagne d’investissements publics destinés à améliorer la productivité agricole et donc à améliorer les revenus des petits fermiers. C’est la seule façon de compenser les pertes de revenu de ces derniers due à a concurrence des produits importés.

1/Les protections à l’importation sur les produits agricoles : état des lieux et enjeux pour l’Afrique subsaharienne

Principaux résultats

  • Au niveau mondial, en 2013, la protection tarifaire moyenne sur les produits agricoles était d’environ 13 %
  • Les droits de douane sont en moyenne plus élevés sur les produits alimentaires que pour les produits non alimentaires
  • De même, les produits agricoles transformés sont généralement plus protégés que les produits bruts
  • Dans les principales régions, c’est en Asie du Sud et en Afrique du Nord que les tarifs moyens sur les produits agricoles sont les plus élevés. La protection en Afrique subsaharienne (15 %) est inférieure à celle des autres régions en développement
  • Constat à mettre en relation avec la faiblesse des dépenses publiques agricoles en ASS

Protection des sous-régions d’Afrique subsaharienne vis-à-vis du reste du monde

Source : FARM d’après données harmonisées MAcMap-HS6 du CEPII et CCI

En 2013, toutes les sous-régions, à l’exception de l’Afrique australe, protégeaient moins leur agriculture vis-à-vis du reste du monde qu’à l’égard des sous-régions du continent

Enjeux politiques pour l'Afrique Subsaharienne : des marges de manœuvre limitées pour l'augmentation des protections sur les produits agricoles.

1- Le dilemme  des prix alimentaires

  • Réduire la concurrence des importations à bas prix par une hausse des droits de douane risque de pénaliser les consommateurs les plus pauvres, très sensibles à la hausse des prix
  • Pour sortir de ce dilemme, l’accroissement éventuel de la protection tarifaire pourrait s’inscrire dans le cadre d’une stratégie de développement globale, combinant diverses mesures :
    • des dispositions fiscales permettant de réduire la facture alimentaires
    • des ménages les plus pauvres
    • une hausse modérée des droits de douane conjuguée à un fort appui à l’investissement dans l’agriculture
    • la réduction des inefficacités de marchés et des interventions déstabilisantes des Etats visant à restreindre les exportations agricoles en cas de flambée des cours
    • l’amélioration du pouvoir de marché des agriculteurs au sein des filières

2- Les accords commerciaux

Les Etats africains disposent individuellement de marges de manœuvre théoriques pour augmenter les droits appliqués jusqu’au niveau des tarifs consolidés à l’OMC.

Mais ces marges sont limitées en raison de :

  • l’appartenance à des  communautés   économiques  régionales  : il est politiquement difficile d’augmenter le tarif extérieur commun
  • la perspective de la ratification des Accords de partenariat économique (APE), avec cependant une protection des produits sensibles
  • la création de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), dont les conditions de mise en œuvre restent à définir et qui laissent en suspens des questions majeures (budget commun, protection vis-à-vis des pays tiers…)

En conclusion

  • Pour une approche pragmatique de la protection
     
  • Le débat sur la protection de l’agriculture africaine ne devrait pas être tabou, mais faire partie intégrante des questions qui structurent l’agenda politique visant à une plus grande intégration économique de la région
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Agriculture 2050 : la quadrature du cercle

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Au 21ème siècle, contrairement à toutes les prévisions antérieures, l’activité agricole apparaît au cœur des problèmes les plus préoccupants du moment. Jusqu’ici et pendant des siècles, la grande angoisse des peuples était de produire suffisamment pour se nourrir à peu près convenablement. Mais aujourd’hui, c’est de l’avenir des sociétés humaines et même de la pérennité de la vie sur terre dont il est question. Il est évident que l’agriculture ne résoudra pas seule ces problèmes essentiels pour l’avenir de l’humanité. Mais elle peut contribuer à leur résolution.

Dans ce nouveau contexte, l’agriculture doit répondre aussi positivement que possible, à quatre grands défis:

  • Nourrir 9,7 milliards de personnes (contre « seulement » 7,8 aujourd’hui), sachant que plus de 800 millions souffrent toujours de la faim.
  • Modifier ses propres pratiques pour apporter sa contribution à la lutte contre l’excès de gaz à effet de serre et ainsi limiter le réchauffement climatique.
  • Protéger l’environnement et la biodiversité, mais néanmoins sécuriser les rendements agricoles.
  • Assurer un revenu suffisant et régulier aux centaines de millions d’hommes et de femmes qui travaillent la terre.

Personne ne peut contester l’importance de chacun de ces quatre domaines pris isolément. Le problème est que les objectifs à réaliser sont en partie incompatibles les uns avec les autres. C’est au fond une véritable quadrature du cercle qu’il faut résoudre en conservant l’essentiel de ces objectifs mais en faisant des sacrifices sur certains aspects.

1- Nourrir 9,8 milliards d’habitants en 2050

 

En 2015, la FAO avait estimé qu’il serait nécessaire d’augmenter la production agricole de 50 % d’ici 2050. C’était un objectif ambitieux qui semblait compatibles avec les progrès observés au 20ème siècle. Mais l’est-il avec nos trois autres objectifs ? C’est malheureusement peu probable. Car une telle augmentation suppose tout à la fois la poursuite de l’accroissement des rendements des récoltes, une augmentation significative des surfaces cultivées et une multiplication des élevages industriels[1].

Or cette forte augmentation de la production agricole est probablement incompatible avec la nécessité de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Car elle impliquerait tout à la fois, de poursuivre le défrichement des forêts et la mise en culture des meilleures prairies (les unes et les autres d’excellents pièges à carbone), d’utiliser de grandes quantités d’engrais azotés (source d’oxyde nitreux N2O très polluant) et de multiplier les élevages industriels. La FAO préconise également l’extension des rizières notamment en Afrique. Or celles-ci rejettent d’énormes quantités de méthane (CH4), un puissant gaz à effet de serre dont les effets sur le réchauffement climatique représenteraient plus de 10 % des émissions globales du secteur agricole.

Ainsi, cette poursuite d’une augmentation de la production agricole, à un rythme au moins aussi rapide qu’au cours des années passées, ne peut que nuire gravement à l’environnement et à la biodiversité. Il faut donc envisager de modifier plus ou moins profondément les prévisions antérieures tout en assurant aux populations du globe une alimentation suffisante et saine.

Peut-on revoir à la baisse cet ambitieux programme ?

La lutte contre l’obésité et le gaspillage alimentaire devrait permettre de réduire les besoins globaux. Effectivement, soucieuse de sa santé, une fraction de la population des pays occidentaux limite déjà sa consommation de viande, de sucre et d’huile. Mais on sait aussi que, jusqu’ici dans le monde, l’obésité continue de progresser, notamment (mais pas seulement) dans les pays en transition. L’excès de poids concerne déjà plus de 50 % de la population dans certains pays. D’importants gains dans ce domaine sont donc possibles mais restent malheureusement bien lointains. En revanche, toute avancée dans la lutte contre les pertes de récoltes (jusqu’à 30 % dans certains pays) et le gaspillage alimentaire constitue un progrès immédiat dans la réduction des besoins.

Plusieurs dizaines de millions d’hectares de terres arables sont affectés à la transformation de céréales, d’oléagineux et de canne à sucre en éthanol ou en diester. Y renoncer permettrait de libérer des terres ou d’éviter de défricher des milliers d’hectares de forêts supplémentaires. Par exemple, les Etats-Unis affectent plus de 300 millions de tonnes de maïs à la production d’éthanol, ce qui nécessite environ 30 millions d’hectares de bonnes terres agricoles. C’est 2 % des terres arables dans le monde (environ 1600 millions d’hectares). Or ce pays, premier producteur mondial de pétrole, n’a nul besoin de ce type de carburant. Il pourrait donc y renoncer sans dommage, sauf pour les industriels concernés.

Les dernières statistiques disponibles montrent que, contrairement aux espoirs (et aux objectifs) de la FAO, le nombre de personnes souffrant de la faim, qui avait diminué de 200 millions au début du 21ème siècle, est à nouveau en augmentation. En 2017, il s’élevait à 821 millions, soit une personne sur 9 dans le monde. Il apparait malheureusement vraisemblable que ce nombre se maintienne dans l’avenir et peut-être même augmente. Ce serait tout à la fois la conséquence de la surpopulation (dans plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne notamment), des changements climatiques à venir et de l’insécurité politique dans divers pays. Certes, si par malheur cette hypothèse se révèle juste, la production alimentaire globale sera mécaniquement réduite. Ce qui, il va sans dire, n’est pas moralement acceptable.

2- Lutter contre le réchauffement climatique

 

Bien entendu, l’agriculture, comme toutes les autres activités économiques, participe à la production de gaz à effet de serre. On estime qu’elle y contribue pour 13,5 % (30 % avec l’apport des entreprises d’aval). Les sources de gaz sont multiples : consommation directe d’énergie par les machines agricoles, émission de N2O par les engrais azotés, dégagement de méthane … Or si on veut limiter le réchauffement climatique, il faut de toute urgence réduire ces émissions. Bien sûr, l’agriculture doit y contribuer, mais sous quelles formes et dans quelles proportions ?

L’agriculture peut-elle réduire sa production de gaz à effet de serre ?

En priorité, cessons de défricher forêts ou prairies et luttons efficacement contre les feux de forêts qui en font disparaître plusieurs millions d’hectares chaque année. De même, essayons d’éviter de mettre le feu aux immenses savanes africaines lors de chaque saison sèche.

Les techniques culturales simplifiées permettent de limiter la consommation de carburants. Ces pratiques se développent rapidement partout dans le monde. Elles doivent se poursuivre.

En modifiant certaines pratiques agronomiques, il est aussi possible de réduire l’emploi d’engrais azotés et donc la fraction qui s’échappe dans l’atmosphère. Mais on évitera difficilement une baisse des rendements (dans les pays où ceux-ci sont très élevés comme en Europe ou en Chine) alors qu’il faut tout de même continuer d’augmenter la production agricole parce qu’il faudra bien nourrir 2 milliards d’habitants supplémentaires en 2050.

La plus grande partie des 3300 millions d’hectares de prairies naturelles bien que le plus souvent peu productives, sont néanmoins trop souvent surexploitées. Il faut mettre fin à cette situation, réduire les troupeaux, reconstituer les pâturages et ainsi stocker du CO2 dans les sols.

Les scientifiques s’efforcent de mettre au point des rations alimentaires qui conduisent à une moindre production de méthane par les ruminants. Il convient d’avancer dans cette voie. Mais il est aussi possible de réduire le nombre d’animaux, par exemple en mangeant moins de viande rouge ou en élevant des vaches laitières plus productives donc moins nombreuses. Pensons aussi aux millions de vache indiennes quasi- improductives qui émettent néanmoins du méthane !

3- Protéger l’environnement et la biodiversité

Il est incontestable que l’agrandissement de la taille des exploitations et la généralisation des techniques modernes de production ont porté atteinte à l’environnement et notamment à l’ensemble de la flore et de la faune sauvage. Des parcelles toujours plus grandes, la disparition des haies, la destruction des zones humides et la multiplication des traitements phytosanitaires, sont à l’origine de ces phénomènes. On sait maintenant que leurs conséquences sur la protection des sols, la qualité des eaux ou de l’air et tout simplement l’avenir de la production agricole, sont extrêmement graves et rémanentes. Par exemple, l’atrazine, interdite depuis plus de 20 ans dans le traitement du maïs, n’a toujours pas disparu des nappes phréatiques.

 Ces difficultés ne doivent pourtant pas conduire à renoncer à ces objectifs, même si leur réalisation est lointaine.

Est-il possible de reconstituer un environnement durable ?

A l’évidence, ce sera très difficile. En effet, on imagine mal la division des grandes parcelles de cultures des pays neufs pour revenir à un territoire à taille humaine. En revanche, les petites ou moyennes exploitations sont mieux adaptées à la préservation du parcellaire traditionnel et à une bonne occupation du territoire rural. Il faut les protéger.

La priorité serait de renoncer à défricher des forêts et à mettre en culture les prairies naturelles. Or c’est moins que jamais le chemin que prennent des pays comme le Brésil qui revendique le droit de développer à volonté ses exportations de soja, de céréales ou de viande[2].

De même, la réhabilitation des sols avec leur flore et leur faune est une opération compliquée car elle suppose de modifier complètement les modes de culture. C’est un des objectifs de l’agriculture biologique et de l’agroécologie.

 Il faudrait aussi créer ou recréer un réseau de haies arborées autour des champs. Certes en France, la Bretagne commence à replanter quelques haies, notamment dans les bassins versants pour bloquer l’écoulement des produits chimiques vers les rivières. Aujourd’hui, 2500 kilomètres de nouvelles haies sont ainsi créés chaque année, ce qui est bien. Mais dans les années 1960- 1970 on en a détruit 250 000 kilomètres !

Tout cela à un coût qui peut être élevé et renchérir les prix de revient des produits agricoles[3]. Si les responsables des grandes exploitations sont parfaitement capables de gérer ces modifications dès lors qu’elles leur sont imposées, il faudra prévoir de former les petits paysans à ces nouvelles techniques.

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Vers l’autonomisation des femmes en milieu rural en Afrique

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Pays maasaï, Kenya © Jacquemot

Les femmes occupent sur le continent une place centrale dans l’agriculture de subsistance. Elles sont incontournables dans les activités de transformation, de conservation et de commercialisation des produits agroalimentaires. Elles sont au cœur de l'économie domestique et du bien-être des communautés rurales et jouent un rôle social essentiel en leur sein. Pourtant, elles disposent de moins de droits, elles ont un accès plus limité aux informations et aux services ruraux et elles sont moins mobiles en raison des charges de famille. Plusieurs études récentes éclairent d’un jour nouveau la réalité de la place des femmes dans le monde rural de l’Afrique, avec d’utiles informations sur les disparités liées au genre dans l’accès aux ressources productives et le contrôle sur ces ressources et les opportunités d’autonomisation qui leur sont offertes.

La situation peut paraître paradoxale. D’un côté, à quelques exceptions près, tous les indicateurs de développement révèlent que les femmes vivant en milieu rural africain sont plus vulnérables que les hommes face à des situations critiques associées à une crise ou au changement climatique et qu’elles sont affectées de façon disproportionnée par la pauvreté. De l’autre, en situation de grande fragilité ou pire d’insécurité chronique, comme au Sahel, au nord du Nigeria, en Centrafrique, dans les Grands Lacs ou à Madagascar, ce sont elles qui sont le plus amenées à consacrer leur travail à l’alimentation, à la santé, à l’éducation contribuant de la sorte à l’atténuation de la gravité de la situation et à la recherche de solutions.

On le sait depuis les travaux pionniers d’Ester Boserup (1970) sur les inégalités de genre en milieu rural, prolongés par d’autres vingt ans après (I. Droy, 1990) : les changements interviennent quand les paysannes en viennent à occuper un rôle croissant dans des activités génératrices de revenus monétaires qui leur confèrent une certaine autonomie. Autrefois très structurantes, les relations lignagères sont de plus en plus minorées, voire disqualifiées, par l’avènement du droit foncier individualisé, par l’ouverture des marchés et par les modes de communication (radio, téléphone) ouvert sur l’extérieur.

L’importance du rôle des paysannes dans le développement socio-économique est désormais – enfin – mieux reconnue que dans le passé par les États et les organisations continentales et régionales. Une conquête à mettre au crédit des femmes, associée aux mutations structurelles qui bouleversent le monde rural africain. Il est à présent de plus en plus admis que les obstacles à l’émancipation des femmes, tenant aux mentalités ou aux structures familiales et sociales, nécessitent la mise en œuvre de politiques publiques de discrimination positive.

1.     Une division inégale des tâches

L’absurde préjugé selon lequel les caractéristiques biologiques distinguant les femmes des hommes expliqueraient les divisions du travail relativement immuables est dénoncé par les études de genre conduites depuis une vingtaine d’années portant sur des systèmes agraires très divers[1]. L’examen de la pluralité des situations existantes attire l’attention sur leur caractère socialement construit au sein de logiques d’ensemble du fonctionnement des sociétés rurales.

Les hommes la production, les femmes la reproduction

Les responsabilités restent strictement réparties au sein des foyers. Elles prennent appui sur des institutions coutumières (système lignager de la répartition des tâches, du mariage, de la résidence, de l’héritage, du foncier), établissant une hiérarchie des rôles qui confortent la place prééminente des hommes dans la sphère de la production et celle des femmes plutôt dans celle de la reproduction (cultures vivrières de case, cultures médicinales, agrocarburants à usage local comme le jatropha, élevage sédentaire, soin du bétail, petite pisciculture villageoise, collecte de fourrage, de bois et d’eau, préparation des repas, soins aux enfants et aux autres personnes dépendantes). Les frontières entre activités agricoles masculines et féminines ne sont certes pas hermétiques, mais force est de constater que les activités féminines sont plutôt attachées au foyer et à l’alimentation - des tâches faiblement ou pas valorisées -, alors que le marché et la création de revenus constituent l’espace de déploiement des activités plutôt masculines (Verschuur, 2011).

Comment expliquer cette « distribution genrée » des tâches et des rôles ? Deux explications sont en général mises en avant, l’une se concentre sur des éléments anthropologiques (mythes, normes, stéréotypes, valeurs) sociale ; l’autre privilégie les facteurs économiques.

Les rites agraires associent très souvent la fécondité des femmes et la fertilité des sols. Ce rapport est une justification de la place qu’elles occupent dans l’espace domestique, du foyer ou de la communauté lignagère. Il est un marqueur de leur identité sociale (Guétat-Bernard, 2015). Le domestique, les soins sont des activités féminines, dont le savoir-faire fait partie des attentes sociales envers elles. Les choix individuels, les ambitions, les rêves, les parcours sont presque toujours inféodés à cette logique collective. Le partage des tâches est associé au processus de socialisation, intériorisant comportements et stéréotypes, fixant les rôles appris depuis le plus jeune âge[2].

Une seconde catégorie d’explications de la répartition des tâches passe par le recours à la microéconomie. Le lignage décide comment satisfaire ses besoins : affectation des terres, répartition du travail par sexes et classes d’âge, circulation de la dot, couverture des besoins de subsistance, gestion des stocks et des intrants, redistribution au sein du lignage, échanges avec les autres lignages voisins, notamment par les mariages, la circulation de la dot et les échanges de cadeaux. Au sein du foyer, les questions sont : qui obtiendra un revenu permettant d’acquérir certains biens ou services ? Qui prendra sa part au travail domestique ? Plusieurs combinaisons sont possibles, mais la plus fréquente repose sur la spécialisation des tâches. Les membres du couple négocient le partage des rôles, et le pouvoir de négociation de chacun est déterminé par les ressources qu’il apporte au foyer, ce qui pénalise les femmes quand elles gagnent peu et moins. L’issue recherchée dans cette transaction est toujours personnalisée, jamais anonyme. La logique de cette « économie affective » peut évoluer, comme nous le verrons, sous l’effet de la marchandisation de la vie sociale et de l’autonomisation croissante des femmes.

Les deux approches débouchent sur le même constat. La femme – force de travail et force potentielle de reproduction de nouvelles forces de travail - n’est que très partiellement libre. « Il n’est de richesse que de femmes » dit-on. Mais si le système est supposé la valoriser, la femme elle ne possède rien, sinon quelques effets et objets ménagers, ni les champs, ni le capital et elles n’héritent de rien. Veuve, elle sera parfois soumise au lévirat.

Le poids des corvées domestiques

Nord-Kivu (RDC) © Jacquemot

Les paysannes ont des contraintes de temps entravant les possibilités de développement d’activités productives et rémunératrices. Elles consacrent entre 15 et 22 % de leur temps aux travaux domestiques, 3 à 7 fois plus que les hommes, soit entre 8 et 10 heures de travail supplémentaire par semaine par rapport aux hommes (Base de données sur le genre de la Banque mondiale). Ces heures de travail harassantes représentent le temps consacré aux corvées d’eau et de bois de chauffage et à la préparation des repas. Les femmes et les filles sont chargées de la collecte de l’eau dans 80 % des cas. Chaque semaine, les paysannes de Guinée passent 5,7 heures à collecter de l'eau ; au Sierra Leone, elles passent 7,3 heures à cette tâche et au Malawi, ce chiffre s'élève à 9,1 heures contre 1,1 heure seulement pour les hommes (FAO, 2018). Autres chiffres significatifs : en Afrique les femmes portent en moyenne en une année plus de 80 tonnes de combustibles, d’eau et de produits agricoles sur une distance de plus d’un kilomètre ; les hommes 10 tonnes seulement (IFAD, 2019). Les corvées sont toujours dévolues aux paysannes (et aux enfants) pliées sous de lourds fardeaux.
Le changement climatique est plus intensément vécu par les femmes dans les zones rurales.

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 Transition des systèmes agraires 

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Aborder la transition des systèmes agraires à l’échelle mondiale est un vrai défi - tant la question est vaste, diverse selon les pays et régions, et tant les enjeux économiques, sociaux, écologiques immenses. Cette transition est d’ailleurs constante ! Les réalités de l’agriculture, et plus largement des systèmes agraires dans toute leur complexité, ont toujours évolué. Cette mutation millénaire est racontée par M Mazoyer et L Roudart dans leur passionnant ouvrage « Histoire des agricultures du monde ». Quelles nouvelles raisons alors pour se pencher aujourd’hui spécifiquement sur la transition des systèmes agraires ? Probablement la vitesse et l’ampleur des changements, liés à la force des dynamiques à l’œuvre : poussée démographique, anthropocène (ère d’accélération massive caractérisée par le dépassement des limites planétaires et grande déstabilisation des écosystèmes), révolution chimique, génétique, numérique... qui devraient donc nous conduire à envisager un avenir radicalement différent et potentiellement très perturbé dans les cinquante prochaines années.

Ce qui est en jeu n’est pas « seulement » le défi de parvenir à nourrir l’humanité en volume et/ou de conquérir de nouveaux marchés, le plus souvent par l’introduction de nouvelles technologies.

C’est aussi assurer la santé physique et mentale des producteurs, consommateurs, habitants actuels et générations futures ; maintenir et restaurer les services écosystémiques dont nous bénéficions tous ; développer les territoires ruraux – par une économie locale viable et prospère, des emplois qualitatifs, des activités complémentaires bien articulées avec la production agricole ; doser de bons équilibres en termes de sécurité, souveraineté alimentaire et de balance commerciale pour chaque pays…

Comprendre le jeu d’acteurs et les leviers de la transition des systèmes agraires est alors précieux : pour l’agriculteur, pour l’agronome, pour l’habitant des territoires, pour les acteurs économiques opérant « du champ à l’assiette » et pour les dirigeants de ces structures, pour la puissance publique.

Nous ferons donc le choix dans ce dossier de trois clés de réflexion :

-une approche systémique : qu’est-ce qu’un système, et notamment un système agraire ? quelle est l’échelle à laquelle nous parvenons à raisonner, avec quelle complexité, et avec quel objectif ?

-une approche prospective : quels sont les futurs possibles, désirables, probables, et les grandes variables clés qui permettent de dessiner des scénarii prospectifs ?

-une approche des dynamiques de transitions : quels sont les freins et leviers pour une transition « réussie », s’il est possible d’envisager des réalités positives pour demain et dans quelques décennies ? Quelle convergence ou divergence d’intérêt entre acteurs ?

Nous proposons enfin d’analyser des exemples actuels au Nord et au Sud et de donner quelques clés d’actions pour une transition agraire viable et désirable.

 

Nous nous référons à l’excellent travail de synthèse de l’agronome Hubert Cochet sur le concept de système agraire. Il nous rappelle que la notion de système agraire a émergé au 20e siècle, tant chez les géographes comme Cholet (qui l’entendent comme une « structure » complexe d’éléments différents, ayant des interactions fortes), que par les agro-économistes.

Nous citerons ici deux définitions successives proposées par Marcel Mazoyer. La première : « un mode d’exploitation du milieu, historiquement constitué et durable, adapté aux conditions bioclimatiques d’un espace donné, et répondant aux conditions et aux besoins sociaux du moment ». La seconde : « l’expression théorique d’un type d’agriculture historiquement constitué et géographiquement localisé, composé d’un écosystème cultivé caractéristique et d’un système social productif défini, celui-ci permettant d’exploiter durablement la fertilité de l’écosystème cultivé correspondant »

L’échelle de description et d’analyse est celle d’un vaste territoire (région, pays) et dépasse donc très largement celui du système de culture. Au-delà de la taille, un système agraire inclut tous les éléments (physiques : terres et écosystèmes cultivés, équipements agricoles et de transformation, infrastructures écologiques ; éléments immatériels et organisationnels).

Source : H Cochet, Lexique en ligne « Les mots de l’agronomie »

« Penser ce grand système » nous conduit à réfléchir bien au-delà des « lignes de débat » habituelles entre agronomes sur la pertinence de tel ou tel choix technique à la ferme. Il peut nous permettre de resituer la question agricole dans la société, en introduisant donc une diversité d’acteurs et d’intérêts potentiellement divergents.

Notons que ces définitions posées au 20e siècle amènent rapidement à deux limites pour penser l’avenir :

- Celui du système ouvert ou fermé. Les systèmes agraires sont bien entendu dotés de nombreuses interfaces. Les flux de matières, équipements, savoir faire, main d’œuvre sont fort nombreux. Il est devenu impossible de décrire complétement un système régional tant il est lié de toutes parts. C’est précisément pour cela qu’une réflexion à l’échelle planétaire s’avère précieuse.

- Celui de la possibilité de décrire, même de manière théorique, un « système durable ». L’ensemble de systèmes vivants et des systèmes sociotechniques créés par les humains sont en constante mutation, toujours plus rapide.  Les activités agricoles pourraient trouver une forme d’équilibre avec le milieu naturel seulement si celui-ci était lui-même dans un bon équilibre ou du moins dans une dynamique d’évolution très lente.

Le système de production agricole ne peut opérer qu’en lien avec les écosystèmes, et avec le système sociotechnique global déployé par les humains. Il est totalement « encapsulé » dans des réalités planétaires interconnectées.

Or, ce qui caractérise probablement notre époque est la grande vitesse des mutations.

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Panorama de l’Agriculture de l’Union européenne en 2030

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L’étude de la Commission européenne intitulée « EU Agriculture outlook, for markets and income, 2018-2030 » portant sur les prévisions de production et de marché de l’agriculture européenne  de 2018 à 2030 dresse un panorama, par filière, de l’agriculture européenne à l’horizon de 2030.

Les Etats membres nord-européens voient leurs ambitions freinées par une réglementation européenne très restrictive. Les céréaliers n’ont, notamment, pas accès aux OGM. Les grains de productivité seront nuls à l’ouest et n’excèderont pas 0,7 % par an à l’est de l’Union européenne.

La filière « bovin viande » est menacée par les accords commerciaux de libre échange entre l’Union européenne et le continent américain. La filière ovine se redresse mais elle reste déficitaire ; elle ne satisfera pas la croissance de la consommation européenne de viande d’ici 2030. Quant à la filière laitière européenne, elle sera moins concurrencée par la Nouvelle Zélande et les Etats-Unis.

L’Union européenne ne profitera que partiellement de l’essor des échanges mondiaux des produits agricoles tirés par les importations de pays émergents en pleine croissance économique et par une pression démographique galopante.

Dans ce contexte, le revenu agricole par actif resterait stable en termes réels mais les inégalités entre les pays membres de l’ouest et l’est de l’Union européenne perdureront. 

Nous allons passer en revue quelques filières: céréales, lait, viandes bovine, ovine, avicole et porcine.

L’étude porte sur l’Union européenne à vingt-huit membres car la Grande Bretagne n’est pas encore sortie de l’Union européenne.

Pas de croissance significative des revenus des céréaliers européens

D’ici 2030, la production européenne de céréales atteindra 325 millions de tonnes (Mt). Les productions de blé, d’orges et de maïs sont estimées à 283 Mt en 2030 alors qu’elles n’avaient pas dépassé les 258 Mt en 2018. La production de blé croitra de 30 Mt environ par an et celle de maïs de 20 Mt par an. Les quantités d’orge produites n’excèderont pas 61,7 Mt (+ 5Mt en douze ans) tandis que les autres céréales secondaires déclineront. La culture de blé croîtra aux dépens des céréales secondaires cultivées en Europe centrale en particulier (seigle, avoine).

La croissance de la production européenne de céréales sera stimulée par un marché mondial porteur. Toutefois, les prix des céréales n’atteindront pas les niveaux des années 2011-2012. Seuls des événements géopolitiques ou un accident climatique à l’échelle d’un continent pourraient faire flamber les cours mondiaux.

La Commission européenne table sur un prix de la tonne de céréales compris entre de 168 € et 180 € (pour un euro à 1,25 $).  Dans cette fourchette, le blé sera plus cher que l’orge et surtout que le maïs, actuellement pénalisé par des stocks importants. La hausse des coûts de production (énergie, engrais) et des gains de productivité très faibles n’augurent pas d’une hausse majeure des marges brutes des céréaliers.

D’ici 2030, les rendements en blé ne croîtront plus à l’ouest de l’Union européenne et ils progresseront de 0,7% par an dans les 13 pays européens qui ont rejoint l’UE en 2004. Or, dans le même temps, la production de blé par hectare augmentera de 1 % par an en Ukraine et de 1,2% par an dans le reste du monde. Toutefois, les niveaux de rendement de départ pris en référence sont plus faibles.

L’Union exportera ses surplus de blé essentiellement vers les pays tiers mais elle restera importatrice nette de maïs.  Toutefois, en vendant plus de grains qu’elle n’en achète, l’Union européenne resterait excédentaire en volume de 25 Mt par an.

Vive concurrence céréalière des pays riverains de la Mer noire

Compte tenu de ses prix compétitifs, la part de l'UE dans les exportations mondiales de blé augmentera de nouveau, passant de 14 % en 2016-2018 à environ 17% en 2030.

L’Allemagne et la France seront les moteurs de cet essor commercial car la consommation de grains, bruts ou transformés, destinés à l’alimentation animale stagnera. Les filières animales ne seront plus des moteurs de croissance de la demande de céréales fourragères. Mais le maïs, en partie importé d’Ukraine par les fabricants d’aliments, sera toujours préféré au blé européen. Or à l’export, ce dernier sera fortement concurrencé par les céréales originaires des pays de la Mer Noire.

Toutefois, la culture de blé bio, en plein essor, progressera aux dépens du blé  conventionnel. Moins productive, la culture bio exigera davantage de terres pour une production conventionnelle équivalente.

La croissance des marchés méditerranéen, africain et moyen-oriental sera une opportunité pour l’Union européenne. Cependant, la concurrence de la région de la mer Noire restera vive, mais la vigueur de  la demande mondiale la rendra plus supportable que par le passé. Cependant les facteurs géopolitiques joueront une rôle croissant dans les échanges, rendant les prévisions plus incertaines.

Les États-Unis, l'Australie et le Canada devraient voir leurs exportations stagner. Dans le même temps,  les exportations de la Russie, de l’Ukraine et du Kazakhstan continueraient à progresser grâce à d’importants investissements dans la production et la logistique.

La part de la Russie dans les exportations mondiales augmentera encore, passant d'environ 20% en 2018 à 23% en 2030. Elle aura les moyens d’exporter jusqu’à 50 millions de tonnes de blé par an.L'Argentine devrait également accroître sa production et gagner des parts de marché.

Les prévisions de la Commission européenne n’anticipent pas un essor des biocarburants durant les douze prochaines années. Seules 14 Mt de céréales seraient transformées en éthanol. Sa production représenterait alors moins de 5 % de la consommation de céréales.

En revanche, la Commission européenne prévoit une hausse notamment de la production d'amidon et de biomatériaux de construction à partir de céréales. Surtout si les prix des commodités agricoles sont compétitifs par rapport à ceux du pétrole.

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Les dix enjeux de la Zone de libre échange africaine

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The African Heads of States and Governments pose during African Union (AU) Summit for the agreement to establish the African Continental Free Trade Area in Kigali, Rwanda, on March 21, 2018. / AFP PHOTO / STR (Photo credit should read STR/AFP/Getty Images)

La Zone de libre-échange continentale africaine (ZLEC)[1], dont le projet  a été adopté dans l’enthousiasme le 21 mai 2018, est formellement entrée en vigueur le 30 mai 2019, après le dépôt de la 22ème ratification auprès de la Commission de l’Union africaine (UA). Cette ratification a permis d’atteindre le seuil minimal requis de l’accord pour déclencher l’entrée en vigueur de la zone. Le lancement de la phase opérationnelle aura lieu lors du sommet extraordinaire de l’UA à Niamey le 7 juillet 2019. La ZLEC est un vieux projet. Selon les objectifs du Traité d'Abuja de 1991, le processus d'intégration de l'Afrique devait être achevé par la création de la Communauté économique africaine selon une approche séquentielle en six étapes de 34 ans. La ZLEC vise la réduction des tarifs douaniers pour 90 % des produits et la mise en place d’un marché libéralisé des services entre les États membres de l’UA.

 

L‘architecture de la ZLEC est construite autour de plusieurs protocoles :

Phase 1. Protocole relatif au commerce des marchandises ·      Élimination des droits de douane et restrictions quantitatives à l'importation

·      Les importations ne doivent pas être traitées moins favorablement que les produits nationaux

·      Facilitation du commerce et transit

·      Recours commerciaux, protections pour les industries naissantes et exceptions générales

·      Coopération sur les normes et réglementations de produits

·      Élimination des barrières non tarifaires

·      Coopération des autorités douanières

·      Assistance technique, renforcement des capacités et coopération

Phase 1. Protocole sur les services ·      Transparence des normes et des règles

·      Reconnaissance mutuelle des normes, licences et

Certification des fournisseurs de services

·      Libéralisation progressive des secteurs de services

·      Les fournisseurs de services ne doivent pas être traités moins favorablement que les fournisseurs nationaux dans les secteurs libéralisés.

•      Provision pour les exceptions générales et de sécurité

Phase 1. Protocole sur le règlement des différends ·      À convenir
Phase 2. Négociations •      Droits de propriété intellectuelle

•      Investissements intra-africains

•      Politique de concurrence

Les avantages annoncés sont multiples

La zone constituera un marché de 1,2 milliard d’individus pour un PIB cumulé de 2 500 milliards de dollars. Si elle est effectivement mise en place, la ZLEC sera le plus grand espace de libre-échange du monde.

Grâce à la libéralisation progressive des échanges de marchandises et des services, les fournisseurs auront accès aux marchés de tous les pays africains à des conditions non moins favorables que celles des fournisseurs nationaux.

La libéralisation des échanges entre les pays africains facilitera la mise en place de chaînes de valeur régionales dans lesquelles des intrants seront fournis par différents pays africains afin d'ajouter de la valeur avant d'exporter à l'extérieur.

Pour se protéger des pics imprévus des marchés mondiaux, les États auront recours à des mesures correctives commerciales pour faire en sorte que les industries nationales puissent être sauvegardées, si nécessaire.

Un mécanisme de règlement des différends offrira un moyen, fondé sur des règles, de résoudre les différends pouvant survenir entre les États parties lors de l'application de l'accord.

Enfin, les négociations de la « phase deux » créeront un environnement plus propice à la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle en Afrique, à la facilitation des investissements intra-africains et au traitement des problèmes anticoncurrentiels.

Le cas du Nigeria

Actuellement 52 États sont signataires de l’accord. Le Bénin et l’Érythrée ne l’ont pas encore paraphé. Il manque surtout  au tableau de la ZLEC le Nigeria, représentant le premier PIB d’Afrique. L’agenda actuel de ce pays n’est pas continental, mais d’abord national et régional. L’intégration économique recherchée est d’abord celle d’un État de 185 millions d’habitants et d’un million de km2, avec une forte fragmentation Nord-Sud, avant d’être celle de l’Afrique. L’économie politique des réformes commerciales au Nigeria est complexe, car son marché intérieur est vaste et fortement protégé. Il  exporte peu en Afrique, seulement 9 % de ses produits. D’où le souci de défendre ses industries par une politique d’import-substitution et de protection à ses frontières plutôt que de jouer avec un libre-échange qui pourrait menacer son économie par des importations massives, en particulier d’Asie, via des pays de transit voisins (Bénin, Cameroun). Il est logique de ne complexifier le tableau et de limiter au maximum les situations d'inconfort. Dans l’espace ouest-africain qui est le sien, le Nigeria trouve déjà son compte dans la communauté régionale existante, la CEDEAO qui compte 15 pays où son PIB représente la moitié du total. Si tôt ou tard, le projet de la ZLEC qui sera fort complexe à mettre en œuvre et qui mettra des années avant de produire ses effets, se met effectivement en œuvre, le Nigeria rejoindra à n’en pas douter les autres membres.

En pratique, l’intégration est un processus multiforme se caractérisant par une intensification des mouvements d’échanges avec la suppression des obstacles à l’intérieur d’un bloc régional, un tarif extérieur commun et une mobilité des facteurs de production. Elle peut aussi se manifester par des projets de coopération portés par les acteurs gouvernementaux ou non, par une coordination des politiques économiques ou sociales et par la mise en place de règles ou de transferts de souveraineté avec des structures institutionnelles de type fédéral. Au regard de ces ambitions, déjà portées par les pères fondateurs de l’Union africaine, les défis à relever sont d’une ampleur considérable.

Dix paraissent les plus fondamentaux.

Enjeu 1. Synchroniser les communautés économiques régionales

La stratégie d’intégration de l’UA est fondée sur l’existence des Communautés économiques régionales (CER) comme « socles » pour aboutir à la création d’un bloc commercial continental unique. Un espoir qui s’inscrit dans le long terme et qui passe nécessairement par la consolidation puis par la synchronisation des diverses entités régionales existantes.

Les organisations régionales en Afrique sont nombreuses et forment une architecture complexe et plus ou moins dynamique. On en compte aujourd’hui 14 censés représenter autant d’espaces de libre circulation des personnes, des biens et des services. Certains États sont membres de plusieurs organisations à la fois. Elles forment « le bol de spaghettis ».

La multi-appartenance à des blocs qui se recouvrent parfois, voire qui se posent en concurrents, a un coût financier. « La question de chevauchement des appartenances des États membres dans de nombreuses CER continue de poser un défi de démarrage important et demeure un obstacle insoluble à une intégration régionale et continentale plus poussée. Le chevauchement des adhésions des États membres à de nombreuses CER aggrave non seulement les problèmes persistants de financement et de capacités humaines à l'appui des programmes régionaux, mais pose également des problèmes de coordination efficace des politiques et des programmes pour favoriser une intégration régionale et continentale plus étroite et plus profonde » (Commission de l’Union africaine, 2019, p.2).

Figure 1. Le bol de spaghettis des communautés régionales africaines

Pour limiter le nombre de communautés régionales, l’Union africaine a élaboré le Programme minimum d’Intégration (PMI) autour de huit principales entités et décidé en 2006 un moratoire pour la reconnaissance de nouvelles institutions régionales.

La plupart des zones ont adopté des accords de libre-échange en abaissant les droits de douane et en améliorant les règles d’origine (un sujet de contentieux fréquents) applicables. Peu d’organisations régionales bénéficient véritablement de transferts de souveraineté, c’est le cas, mais encore de manière très partielle, du COMESA.  La SADC et la CEDEAO jouent un rôle croissant en matière de paix et de sécurité. La CEDEAO et la CAE ont introduit un passeport communautaire pour faciliter la circulation des personnes et construire une identité régionale. Si l’on relève les réalisations clés, l'EAC reste actuellement la CER la plus avancée en termes de niveau d'intégration, avec la réalisation d'un marché commun, dont l'objectif est de réaliser une union monétaire et, à terme, une confédération politique. Plusieurs résultats louables ont été obtenus dans le domaine du développement des infrastructures, en particulier en ce qui concerne les routes régionales, les lignes ferroviaires, le transport. En revanche, nonobstant, le riche potentiel inexploité de ressources de la région CEEAC, le potentiel intra-CEEAC reste très faible. Une infrastructure médiocre, des procédures douanières et d'immigration restrictives, des conflits persistants, une mauvaise coordination des politiques ainsi que d'énormes contraintes financières et humaines

Tableau 1. Principales organisations reconnues par l’Union africaine

Principales communautés économiques Pays membres Nombre d’habitants et PIB régional en 2017
UMA

Union du Maghreb arabe

Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie, Tunisie 100 millions d’habitants

PIB : 330 mds.

CEN-SAD

Communauté des États sahélo-sahariens

Bénin, Burkina Faso, République centrafricaine, Comores, Côte d'Ivoire, Djibouti, Égypte, Érythrée, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Kenya, Liberia, Libye, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Nigeria, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Tchad, Togo, Tunisie. 568 millions d’habitants PIB : 1050mds$
COMESA

Marché commun de l’Afrique de l’Est et de l’Afrique australe

Burundi, Comores, Djibouti, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Libye, Madagascar, Malawi, Maurice, Ouganda, RDC, Rwanda, Seychelles, Soudan, Swaziland, Zambie, Zimbabwe. 480 millions d’habitants PIB : 600 mds$
CAE (EAC)

Communauté de l’Afrique de l’Est

Burundi, Kenya, Ouganda, Rwanda, Tanzanie. 155 millions d’habitants PIB : 100 mds$
CEEAC

Communauté Économique des États de l’Afrique centrale

Angola, Burundi, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée Équatoriale, RCA, RDC, São Tomé et Principe, Tchad. 150 millions d’habitants PIB : 230 mds$
CEDEAO (ECOWAS)

Communauté Économique des États d’Afrique de l’ouest

Bénin, Burkina, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gambie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Liberia, Mali, Niger, Nigeria, Sénégal, Sierra Leone, Togo. 330 millions d’habitants PIB : 410 mds$
SADC

Conférence pour
la Coordination
du Développement de l’Afrique Australe

Afrique du Sud, Angola, Botswana, Lesotho, Malawi, Mozambique, Namibie, Swaziland, Tanzanie, Madagascar, Maurice, RD Congo, Seychelles, Zambie, Zimbabwe. 295 millions d’habitants PIB : 660 mds$
IGAD

Autorité intergouvernementale pour le développement

Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Kenya, Ouganda, Somalie, Soudan. 240 millions d’habitants PIB : 180mds$

Principes sur le rôle des CER dans la ZLEC

Les États parties membres des CER qui ont atteint entre eux des niveaux d'intégration régionale supérieurs à ceux de la ZLEC maintiendront ces niveaux plus élevés entre eux.

  • Les CER qui ont atteint le niveau d'intégration nécessaire pour former des unions douanières soumettront des offres communes d'accès au marché pour le commerce des marchandises.
  • À long terme, à mesure que le niveau d'intégration continentale s'intensifiera, les fonctions des CER liées au commerce devraient être consolidées au niveau continental.

On imagine l’envergure du travail à réaliser pour synchroniser l’ensemble de ces organisations avec leurs procédures particulières et des volontés politiques qui ne sont pas toujours spontanément tournées vers la collaboration. La Banque africaine de développement pose clairement la question des conditions de l’intégration : « Le processus d’intégration régionale et de croissance économique peut créer dix fois plus d’emplois qu’il n’en détruit, mais bien souvent, la perte d’un petit nombre d’emplois qu’entraîne la libéralisation est politiquement inacceptable. Les pays souhaitent souvent bénéficier de l’accès aux marchés mais rechignent à ouvrir les leurs en contrepartie. Pour pouvoir introduire des réformes économiques et commerciales et les transposer dans la législation du pays, il faut un gouvernement disposant d’une majorité forte et agissant à la faveur d’une période de croissance économique soutenue » (BAD, 2014, p. 11). Les organisations existantes disposent de tous les instruments institutionnels mais ils ne fonctionnent pas de manière satisfaisante, notamment parce que l’intérêt national prime toujours sur celui de la région.

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Revue des Initiatives internationales sur l’alimentation et l’agriculture en Afrique

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Dans l’article ci-dessous, la Fondation Avril recense les Initiatives internationales, publiques et/ou privées associant souvent des organisations internationales (ONU, FAO…) et régionales, des organismes de coopération internationale (Usaid, AFD…), des fondations privées (Fondation Gates…), des entreprises privées (Syngenta, Yara…) ou des ministères. Toutes se sont données pour mission d’améliorer la productivité de l’agriculture africaine et le sort de ses agriculteurs. Cette revue est la bienvenue car elle met un peu d’ordre dans notre connaissance d’initiatives foisonnantes dont les objectifs sont parfois redondants ou d’appréhension difficile. A conserver précieusement.

Alliance mondiale pour l’amélioration de la nutrition (Global Alliance for Improved Nutrition, GAIN)

Créée en 2002 lors d’une Session extraordinaire de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’enfance (Ungass II), GAIN est une fondation internationale basée en Suisse qui lutte contre la malnutrition. Elle met en place des partenariats publics-privés en vue d’assurer un soutien financier et technique pour fournir une meilleure alimentation à ceux qui courent le plus grand risque de souffrir de malnutrition. Elle est notamment impliquée dans la création de plateformes mondiales comme le Sun Business Network ou l’Initiative d’Amsterdam contre la malnutrition (aAm). Elle compte parmi ses financeurs l’AFD, la Fondation Gates, l’Usaid, l’Ukaid.

Alliance globale pour l’agriculture intelligente face au climat
(Global Alliance for Climate-Smart Agriculture, GACSA)

Lancée lors du Sommet de l’Onu sur le climat en septembre 2014, la Gacsa est une plateforme multi-acteurs réunissant 130 acteurs (États, secteur privé, organisation internationales, société civile et centres de recherche) pour accroître la sécurité alimentaire et nutritionnelle mondiale face au changement climatique. Elle vise à développer les connaissances, accroître les investissements publics et privés et promouvoir un environnement favorable à l’agriculture intelligente face au climat. Elle organise annuellement le Gacsa Forum.

Alliance globale pour les initiatives de résilience (AGIR)

Lancée en décembre 2012 à Ouagadougou, impulsée et financée par l’Union Européenne, l’Agir est une plateforme multi-acteurs visant à favoriser la synergie et la cohérence des initiatives de résiliences dans les 17 pays ouest africains et sahéliens. Placée sous le leadership politique et technique de la Cedeao, de l’Uemoa et du Cilss, l’Alliance s’appuie sur les plateformes et réseaux existants, notamment le rpca. Bâtie autour de l’objectif «Faim zéro» d’ici 20 ans, l’Alliance est un outil des politiques pour fédérer les efforts des acteurs de la région et de la communauté internationale autour d’un cadre commun et partagé de résultats. Cinq ans après le lancement de l’agir, dix pays ont adopté et commencé la mise en œuvre de leurs « Priorités résilience pays » (prp-agir).

Alliance pour une Industrie semenciére en Afrique de l’Ouest
(Alliance for Seed Industry in West Africa, ASIWA)

Lancée en 2015, cette plateforme multi parties prenantes a pour objectif de faire du plaidoyer et d’agir pour le développement du secteur semencier afin d’accroitre la production, la distribution et l’utilisation de semences certifiées en Afrique de l’Ouest. Elle regroupe les institutions régionales (Cedeao, Uemoa, Cilss, Hub Rural), des centres de recherche (Coraf, Cgiar*), des fondations (Syngenta, Agra), des semenciers (Afsta25), des organisations internationales (Fao), des organisations paysannes (Roppa), des bailleurs de fonds (Usaid).

Alliance pour une révolution verte en Afrique (Agra)

Inspirée par l’appel lancé par l’ancien Secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, en faveur d’une «Révolution verte» purement africaine voulant améliorer la productivité des petites exploitations agricoles tout en protégeant l’environnement, l’Agra a été fondée en 2006 grâce à un partenariat entre la Fondation Rockefeller et la Fondation Bill et Melinda Gates. L’Agra compte désormais un plus grand nombre de donateurs, dont des États, des organisations internationales, des agences de coopération, des fondations et des entreprises.

Comité de la sécurité alimentaire mondiale (CSA)

Le Csa a été créé en 1974 en tant que comité intergouvernemental, hébergé par la Fao, avec l’objectif d’assurer le suivi de la mise en œuvre des engagements pris lors de la première Conférence mondiale de l’alimentation en 1974. La réforme de 2009 en a fait une plateforme multi acteurs qui émet des recommandations politiques consacrées à la sécurité alimentaire et à la nutrition. Au-delà des 130 membres du Comité qui sont les États membres des Nations Unies, les membres de la société civile, du secteur privé, des fondations et des autres organisations internationales ont obtenu le statut de participants. Des mécanismes spécifiques (mécanisme de la société civile-MSC, et mécanisme du Secteur privé – msp) encadrent le travail et la représentation des acteurs de la société civile et des entreprises. Un Panel d’experts de haut niveau (hlpe) a également été mis en place en 2009 pour produire une expertise scientifique.

Feed the Future (FTF)

Lancée en 2010 par l’administration Obama, l’initiative Feed the Future est une stratégie quinquennale élaborée par 11 ministères et agences américains, après consultation de multiples parties prenantes, pour lutter contre la faim et l’insécurité alimentaire dans le monde. Ses objectifs sont la croissance du secteur agricole, l’augmentation de la production alimentaire et l’amélioration de la nutrition en particulier pour les populations vulnérables (femmes et enfants). Cette stratégie se concrétise par des investissements du gouvernement américain dans l’agriculture et la nutrition au niveau mondial, et dans des partenariats stratégiques avec le secteur privé. Ftf a ainsi déjà contribué à la création de prés de 5 000 partenariats publics-privés et a permis de lever plus de 830 millions d’investissements privés.

Forum africain pour la révolution verte (African Green Revolution Forum, AGRF)

Créé en 2010 par Yara et Agra, l’Agrf rassemble annuellement des décideurs politiques, des dirigeants d’entreprises, des producteurs agricoles, des experts et des institutions financières, pour élaborer des plans d’actions concrets pour la Révolution verte en Afrique. Le Forum axe ses efforts sur la promotion des investissements et des mesures de soutien politiques visant à accroître la productivité et les revenus des agriculteurs africains de manière écologiquement durable. Le forum de 2016 a réuni plus de 1 500 délégués venus de 40 pays et a été clôturé par un plan d’investissement de plus de 30 milliards de dollars. Il est appuyé par des organisations internationales comme la Fida et la Bad.

 

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Apports des NTIC à l’organisation de filières agricoles performantes en Afrique ?

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L’innovation technologique, et ce tout particulièrement avec l’essor des NTIC (Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication), transforme aujourd’hui tous les secteurs de l’économie et l’agriculture n’en est pas exempte. Cette dynamique nourrit de grands espoirs quant aux possibilités d’améliorer la productivité agricole et de lever ou contourner les obstacles qui freinent le développement agricole dans de nombreux pays pauvres, notamment en Afrique. En effet, le retard technologique que peut avoir ce continent sur le reste du monde se comble, même si cela se fait de manière discontinue, avec un phénomène, parfois désigné leapfrogging, de rattrapage technologique qui saute des étapes. Le premier exemple en est l’adoption à grande échelle de la téléphonie mobile par les populations africaines dont l’immense majorité ne seront jamais passées par le téléphone fixe.

L’objectif de la présente note, après avoir dressé un rapide panorama des différentes applications des NTIC aux filières agricoles, est d’identifier les difficultés rencontrées concrètement dans la mise en œuvre de ces outils, les écueils à éviter et les conditions à remplir pour qu’ils aient un impact favorable, afin de comprendre, avec le plus de pragmatisme possible, ce que ces technologies peuvent apporter aujourd’hui et demain, au développement des filières agricoles. Nous illustrerons cette réflexion à l’aide de quelques exemples, d’expériences particulièrement réussies et/ou ayant fait l’objet d’évaluations et d’études d’impact permettant de prendre un peu de recul sur ces outils et processus de transformation encore jeunes.

1. Les usages des NTIC pour l’agriculture africaine

1.1 Le conseil et la formation agronomiques

La première utilisation des NTIC pour l’agriculture en Afrique prend la forme du conseil et de l’envoi d’informations (agronomiques, météorologiques, etc.) pertinentes, le plus souvent par téléphonie mobile, dans le cadre de l’optimisation de l’activité d production sur les parcelles.

Les innovations dans le domaine des NTIC sont donc dans ce cas au service des innovations purement agronomiques dont elles permettent la diffusion à relativement faible coût et à un grand nombre de producteurs.

Concrètement, ces outils prennent la forme d’applications mobiles, voire fonctionnent simplement avec des envois de SMS et des serveurs vocaux interactifs ; cette dernière solution permettant de contourner l’obstacle de l’illettrisme d’une partie des publics visés. Les informations et conseils transmis sont, par exemple, des rappels des dates de semis, des conseils sur le type et les quantités d’intrants à utiliser selon les cultures, des informations météo localisées, des alertes sur les invasions de ravageurs et les maladies des cultures, etc. Au total, c’est donc un flux d’informations descendant vers les producteurs qui, si les informations sont de qualité et bien ciblées, doivent permettre aux destinataires d’améliorer leurs pratiques agronomiques.

1.2 L’accès au(x) marché(s)

Le second grand usage des NTIC, qui passe souvent par les mêmes plateformes que celles qui proposent du conseil et de la formation, relève de l’accès aux marchés des petits producteurs. Marchés au pluriel : marché aval d’abord avec l’aide à la commercialisation (informations sur les prix pratiqués sur les marchés à proximité) et la mise en relation directe des producteurs avec des acheteurs, mais également marché en amont avec la facilitation de l’achat d’intrants (semences, engrais, produits phytosanitaires).

Concernant l’aide à la commercialisation des productions agricoles, plusieurs services peuvent exister :

  • Le premier niveau est l’information sur les prix pratiqués sur les marchés locaux, permettant aux producteurs de ne pas brader leur production et de mieux choisir le moment et le lieu de la vente.
  • Certaines applications jouent elles-mêmes le rôle d’intermédiaire et proposent des plateformes de marché mettant en relation les acheteurs et les producteurs, en se rémunérant par une commission sur les transactions effectuées (cf. exemple de Novatech plus loin).

Pour ce qui relève de l’approvisionnement en intrants, il s’agit généralement d’informer sur les prix et les lieux de vente, avec également parfois la possibilité d’acheter directement sur l’application certains intrants. Dans ce cas, c’est souvent le fournisseur d’intrants qui rémunère ou finance la plateforme pour accroître ses volumes de vente.

1.3 Les services financiers

L’apport des NTIC pour la fourniture de services financiers aux agriculteurs africains porte sur deux aspects :

  • La production de nouveaux services,
  • La réduction du coût de certains services (credit scoring, assurance indicielle…).

Les principales catégories de services proposés par les plateformes existantes sont :

  • Le paiement mobile: ces applications, comme le pionnier kenyan M-Pesa, permettent d’offrir aux populations non bancarisées[1], souvent majoritaires parmi les agriculteurs africains, des moyens de paiement sécurisés, ce qui évite le risque de parcourir de longues distances avec des sommes importantes en espèces et donne également accès à d’autres services financiers : épargne, assurance…
  • Le crédit: besoin particulièrement important pour les producteurs (crédits de campagne et investissements) et souvent cité comme l’un des principaux freins au développement agricole en raison de la réticence des banques à financer l’agriculture. Les nouveaux outils qui cherchent à régler ce problème sont à la fois des outils de gestion du risque (ex : credit scoring basé sur l’imagerie satellitaire, suivi d’un troupeau avec puces RFID) et des plateformes de banque mobile (M-Kesho de M-Pesa en partenariat avec Equity Bank par exemple)
  • L’épargne: la capacité à épargner est essentielle pour les producteurs agricoles en raison de la saisonnalité de leurs revenus. Les applications de paiement par la « banque mobile » proposent généralement ce service.
  • L’assurance: développement de l’assurance indicielle qui utilise l’imagerie satellitaire pour évaluer les conséquences des incidents météorologiques et déclencher des remboursements automatiques pour les producteurs assurés situés dans les zones touchées par ces incidents (ex : Kilimo Salama). Ces technologies laissent entrevoir la possibilité d’une assurance agricole low cost potentiellement adaptée à l’Afrique[2].

1.4 Les outils de traçabilité

Les marchés mondialisés ont des exigences croissantes de traçabilité des produits, en raison de standards sanitaires de plus en plus stricts et d’une demande croissante des consommateurs « du nord » pour une transparence totale en ce qui concerne l’origine de leur alimentation. Les petits producteurs du sud, notamment en Afrique, ont des difficultés à faire face à ces nouvelles exigences, qui peuvent alors se révéler de véritables obstacles à l’intégration de ces petits producteurs dans l’économie mondialisée.

Certaines technologies sont néanmoins prometteuses pour aider les petits producteurs à remplir les obligations liées à ces nouveaux standards de traçabilité : téléphonie mobile, puces RFID, blockchain, réseaux de capteurs, GPS, ERPs et autres applications mobiles…

Exemple au Burkina Faso avec une coopérative de productrices de beurre de karité, l’association Songtaab Yalgré, qui utilise le GPS pour documenter l’origine de ses produits (indiquant quel fruit vient de quel arbre) et accéder aux certifications Bio-Ecocert et Bio-NOP (commerce équitable et 100% naturel)

Régler ce problème passe également par la conception de standards qui prennent en compte la capacité des petits producteurs à satisfaire aux exigences. Le standard Global G.A.P. en fournit un bon exemple, en permettant la certification groupée pour les petits producteurs.

Les puces RFID (Radio Frequency Identification) sont de petits objets que l’on peut coller à ou incorporer dans des objets ou des organismes vivants permettant de stocker de l’information d’identification. A la différence d’un code-barres, il n’est pas uniquement possible de lire la donnée de la puce mais également d’écrire de la donnée pour renseigner de nouvelles informations, par exemple depuis des réseaux de capteurs. Autre différence qui explique son succès dans les pays du sud, la lecture de la puce ne requière pas que le code soit parfaitement propre et visible clairement.

Son coût (environ 0,25$ aujourd’hui) reste un obstacle pour une utilisation à plus grande échelle, et la technologie elle-même reste imparfaite (erreurs de détection, couverture des puces…) mais les progrès rapides que connaissent les nanotechnologies laissent entrevoir à la fois une forte baisse du coût et une amélioration de sa fiabilité dans les prochaines années.

1.5 La sécurisation foncière

La gestion foncière est un enjeu important pour l’agriculture africaine. En effet, cette gestion repose souvent sur des systèmes traditionnels avec transmission orale du savoir et souvent pas de trace écrite des transactions ou de titres d’exploitation formels, sans même parler de titre de propriété, notion souvent étrangères aux cultures locales. Or, cette absence de sécurité foncière freine les investissements nécessaires au développement agricole et limite les possibilités de recours à l’emprunt et aux garanties.

La transition de cette gestion traditionnelle peu formalisée vers des systèmes plus formels et sécurisés de « titrisation » du foncier est une tâche difficile. Elle peut néanmoins être facilitée par l’utilisation de la blockchain par la transparence et la sécurité décentralisée qu’elle permet.

Au Ghana, par exemple, où près de 90 % des terres rurales ne sont pas enregistrées dans un registre officiel, l’ONG Bitland enregistre les droits d’exploiter sur la blockchain. Des initiatives similaires ont également vu le jour en Géorgie ou au Honduras où les gouvernements soutiennent officiellement leur développement.

La blockchain n’efface cependant pas toutes les difficultés liées à l’établissement d’un cadastre sécurisé : l’identification préalable des délimitations des terrains et de leurs propriétaires légitimes, indispensable à la mise en place d’un tel système, peut en particulier demeurer problématique, particulièrement en zone rurale. Ainsi, si l’exemple du Honduras permet d’envisager le recours à la blockchain notamment pour lutter contre la corruption, les spécificités africaines sur le thème du foncier rendent une simple transposition difficile à envisager. L’imbrication et la juxtaposition de différents droits fonciers compliquent particulièrement la situation : droit coutumier centré sur la propriété collective et l’autorité traditionnelle du chef de village qui répartit l’usage des terres, d’une part, et droit hérité de la colonisation (droit français ou anglo-saxon basé sur la propriété privée) d’autre part.

1.6 Nourrir la recherche et guider l’action publique

Le dernier grand moyen par lequel les NTIC influencent le développement des filières agricoles, peut-être le plus important même s’il est moins direct, passe par la collecte et le traitement de données permettant d’accéder à une meilleure compréhension des systèmes agricoles et potentiellement une action publique davantage éclairée et efficace ; cela relève du « Big Data ».

Les données issues de la télédétection, et en particulier de l’imagerie satellitaire, permettent de mieux appréhender de nombreux phénomènes plus ou moins directement liés à l’activité agricole et ainsi guider l’action publique. Parmi ces nombreuses applications on peut citer la gestion foncière, les systèmes d’alerte précoce, le suivi des dynamiques pastorales (production de biomasse, cours d’eau…), les estimations de rendements, les statistiques agricoles, l’assurance déjà citée plus haut, les changements climatiques, la lutte contre certaines épidémies, etc.

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L’impératif des transitions agroécologiques pour les agricultures paysannes

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New Breeding Techniques (NBT) : quel avenir en Europe ?

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Comment faire face aux vents mauvais qui soufflent sur l’agriculture ?

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La gestion forestière face au défi du changement climatique

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Les forêts ont un rôle majeur à jouer dans la réponse au changement climatique. L’accord de Paris en a souligné l’importance. Mais cela suppose un changement profond dans notre rapport à la nature. Le défi est d’autant plus considérable que la forêt, atout potentiel pour capturer le carbone, peut se trouver elle-même fragilisée par le réchauffement.

Les forêts offrent une réponse précieuse au changement climatique : elles constituent des « puits de carbone » permettant de neutraliser une partie des gaz à effet de serre.

En théorie, la technologie permettrait elle aussi, à terme, de séquestrer le carbone sous d’autres formes. Certains s’en prévalent pour relativiser la menace climatique. Mais cette deuxième voie reste théorique et controversée. Elle est donc encore hypothétique.
La solution naturelle offerte par les arbres et la biomasse est, quant à elle, bien tangible. Comme l’Accord de Paris, les objectifs des Nations-Unies pour le développement durable réservent une grande place au couvert forestier.

Le premier pas dans cette direction consiste à arrêter la déforestation. Elle n’est, hélas, pas complètement endiguée. Mais l’extension parfois spectaculaire des forêts dans certains pays montre qu’il est possible d’inverser le cours des choses. Dans les pays développés, après un défrichement agricole souvent massif au fil des siècles, la forêt reprend ses droits. En France, la part de la superficie occupée par les forêts a plus que doublé depuis la Révolution (14% de l’hexagone en 1798, 29% aujourd’hui). Le cas le plus spectaculaire est celui de l’État du Vermont aux Etats-Unis : de 15% lors de l’indépendance américaine, les forêts sont passées à 85% du territoire de ce petit État.

Dans le monde en développement, le défrichement à finalité agricole a été entamé plus tardivement et il n’est pas illogique qu’il se termine plus tard. La déforestation globale a commencé à ralentir et l’on doit œuvrer à son arrêt, un préalable pour envisager une séquestration efficace du carbone par les forêts…

Néanmoins, arrêter la déforestation ne suffira pas. Des conditions strictes sont à réunir pour parvenir à une contribution forte des forêts à la lutte contre le changement climatique. Parmi elles, la protection des forêts contre les effets du réchauffement. Le débat ne fait que commencer. Un ensemble d’études récentes permet de commencer à y voir clair.

Comment la forêt capture le carbone

Pour appréhender la contribution de la forêt à la lutte contre le changement climatique, partons du cycle du bois. Les arbres, en poussant, absorbent du carbone : la photosynthèse nécessaire à leur croissance consiste à digérer le dioxyde de carbone (CO2), en séparant le carbone (C) de l’oxygène (O). Le premier est absorbé par l’arbre (feuilles, bois, racines) et le second rejeté dans l’atmosphère, laquelle se trouve ainsi « purifiée » d’une partie de son gaz carbonique[1]. C’est la séquestration.

Toutefois, si l’arbre est ensuite brûlé, l’opération inverse se produit : à travers la combustion, le carbone contenu dans le bois s’associe de nouveau à l’oxygène. Du CO2 est alors rejeté dans l’atmosphère, annulant la séquestration opérée précédemment dans les troncs et les branches[2].

Concrètement, si la forêt recule (déforestation par brûlis, coupes suivies de combustion, incendies…), des émissions nettes de carbone, parfois massives, se produisent.

Si la forêt ne recule pas, ces émissions sont évitées. Le bilan du cycle « pousse puis combustion du bois » est alors équilibré. Il n’aggrave pas la présence de carbone dans l’atmosphère. Mais il ne la réduit pas non plus[3].

Comment peut-on « aller plus loin » avec les forêts, c’est-à-dire obtenir une réduction globale de la quantité de carbone présente dans l’atmosphère ?

Pour y répondre, il convient d’envisager deux hypothèses bien différentes, qui constituent deux réponses « forestières » distinctes au changement climatique.

1/ La première solution consiste à augmenter la quantité de bois présent sur terre sans être brûlé.

Tel sera le cas si la surface occupée par les forêts (et éventuellement la densité de celles-ci), au lieu de se réduire, augmente. Cet accroissement constituera une séquestration de carbone, mesurable au bois nouveau constitué.

Si, ensuite, une partie de ce bois nouveau est coupée sans être brûlée, la séquestration acquise sera préservée. D’où l’intérêt des constructions en bois et de la fabrication de meubles ou objets durables en bois : ces usages, dits « stockages » prolongent la séquestration réalisée grâce à la pousse du bois dans la nature. Le carbone reste emprisonné dans ces biens ou objets aussi longtemps qu’ils ne sont pas brûlés. C’est la première solution, celle d’une séquestration durable, d’un véritable puits de carbone.

2/ La combustion du bois peut cependant elle aussi, sous certaines conditions très strictes, s’intégrer dans un processus intéressant pour le climat. C’est la deuxième hypothèse.

Le climat sera gagnant si le bois brûlé vient en substitution de combustions plus nocives. Tel est le cas s’il remplace l’utilisation de carburants fossiles. Cette dernière entraîne en effet à coup sûr une augmentation des émissions. Elle ne comporte aucune espèce de contrepartie : les fossiles brûlés (pétrole, gaz, charbon, lignite…) dégagent du CO2 et des gaz à effet de serre et ils n’en retirent pas de l’atmosphère[4].

Il en va différemment de la combustion du bois puisque celle-ci intervient au terme d’une séquestration de carbone Elle peut donc s’intégrer dans un cycle équilibré : il convient pour cela de faire en sorte que la production de nouveau bois intervienne parallèlement à la combustion. Ceci est parfaitement possible puisque la forêt… pousse. Du fait de la croissance des arbres et de leurs branches, elle peut subir des prélèvements compatibles avec sa préservation. C’est ainsi qu’a progressivement été forgée la notion de rendement soutenu. La certification des forêts permet aujourd’hui de s’assurer que les prélèvements sont raisonnables[5].

Si cette condition est respectée, la combustion du bois s’inscrit dans une opération blanche. Le bois devient alors, comme d’autres formes de biomasse (arbustes, foin, voire biocarburants), une énergie renouvelable au bilan carbone équilibré, bilan qui « fait la différence » avec les énergies fossiles, émettrices nettes.

Toutefois, pas plus que l’arrêt de la déforestation, le parallélisme entre consommation et production de bois n’est acquis d’avance. C’est tout l’enjeu de la gestion forestière, qui doit se transformer si l’on veut lutter efficacement contre le changement climatique.

Le cas particulier du bois matériau (bois utilisé en remplacement de matériaux dont la production implique des émissions de gaz à effet de serre)

L’usage du bois comme matériau de construction (menuiserie, charpente, voire panneaux de particules) présente un intérêt particulier lorsqu’elle vient en remplacement de matériau ayant un impact différent sur l’environnement. Elle peut combiner un stockage de carbone durable (lors de la pousse du bois) et un effet de substitution ultérieur, lors de son utilisation. Celle-ci évite en effet les émissions liées à la production de matériaux tels que le ciment, les métaux ou les plastiques. Elle suppose toutefois un changement dans les comportements des consommateurs et utilisateurs, ainsi qu’une industrie dynamique dans l’aval de la filière bois.

 Evaluation des surfaces forestières terrestres par la FAO : 31,6% des terres émergées en 1990, 30,6% en 2015 (avec ralentissement des pertes les dernières années)

Les menaces liées à la déforestation tropicale

Les tentations liées à la « mise en valeur » rapide de terres conquises sur la forêt tropicale demeurent préoccupantes. Les ONG dénoncent notamment les défrichements destinés à permettre l’implantation de culture de rente (huile de palme, soja, cacao…) ou d’élevages extensifs de bétail, en lieu et place de la forêt tropicale.

La réalisation de grandes infrastructures en forêt est un autre danger : de telles infrastructures aboutissent non seulement à entamer l’espace forestier (autoroutes par exemple) mais aussi à créer un appel d’air pour l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol.

A l’inverse, les réserves et territoires alloués aux populations indigènes autochtones sont souvent considérées comme l’une des meilleures protections contre la déforestation. Toute remise en cause du statut de ces espaces est donc, potentiellement, une menace.

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La blockchain en agriculture : construire la confiance par le numérique

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La blockchain est une sorte de registre contenant toutes les opérations d’une filière économique. Les données sont indélébiles et indestructibles et peuvent même être enregistrées automatiquement. Cette technique introduit sécurité, fluidité et transparence dans les transactions. Le dossier qui suit décrit comment la blockchain pourrait révolutionner les pratiques de tous les maillons de la chaîne de valeur agricole. La révolution a commencé…

Quand vous arrivez au rayon volailles de certains magasins Carrefour du centre de la France vous vivez une expérience nouvelle. Grâce à votre téléphone portable vous saurez tout du poulet label rouge qui est devant vous dans le  rayon : où et quand le poussin est né, d’où vient l’œuf, ce que le poulet a mangé, où il a été élevé, quand il a été abattu. Mieux encore vous écouterez  et verrez, en deux clics  sur l’écran de votre portable, le producteur qui a élevé ce poulet (et pas un autre) vous présenter lui-même son élevage et vous faire partager sa passion.

Pour cela bien sûr vous lirez le QR code inscrit sur l’étiquette de la barquette de poulet. Mais surtout il y a en arrière fonds une nouvelle technologie qui permet de rassembler en temps réel toutes ces informations. La  blockchain on en parle beaucoup sans souvent savoir exactement  ce que c’est ni à quoi elle sert ! A l’inverse, d’ailleurs, on utilise de nombreux outils très intuitifs sans avoir la moindre idée des technologies qu’ils mobilisent, c’est un des charmes paradoxaux du numérique.

La « blockchain » - littéralement « chaine de blocs » - est comparable à un registre où les enregistrements (les blocs) seraient notés avec une encre indélébile sur un cahier indestructible. Ce registre existerait en un grand nombre d’exemplaires conservés simultanément chez une multitude de dépositaires. Les utilisateurs pourraient librement consulter et rajouter des lignes dans le registre mais ne pourraient jamais toucher aux lignes existantes et tout serait mis à jour en permanence de manière synchrone. En ce sens  la blockchain est une sorte de registre virtuel géant, inaltérable, partagé et réputé infalsifiable.

Fonctionnant sans organe centralisateur, elle constituerait en plus le point de départ de ce qu’on commence à appeler l’internet « distribué ». (cf encadré)

 

1/ Une blockchain comment ça marche ?

Chaque transaction (en fait on entend par là toute opération comme un enregistrement de données, un paiement, un contrat..) est introduite par un des utilisateurs dans un « bloc ». Par exemple si je veux régler une somme à un fournisseur, appelons-le Pierre, nous inscrivons cette somme sur un bloc numérique  qui est ensuite crypté et horodaté avec la signature cryptée de son auteur. Dès lors qu’un nombre suffisant de participants à la blockchain attestent cette transaction (c’est la notion de consensus distribué vérifié par un algorithme) le bloc est alors accolé au bloc précédent de la chaine de manière chronologique, puis rapidement suivi du bloc suivant qui s’accroche à lui- en terme technique cela s’appelle le « hachage » !- La preuve numérique étant ainsi constituée, je peux alors faire le règlement financier à Pierre. Les blocs deviennent ensuite indissociables et constituent la fameuse chaîne. Un bloc inséré dans la chaine devient alors public (consultable par tous), infalsifiable (grâce à la cryptographie) et en quelque sorte indélébile (un bloc inséré dans une chaine devient techniquement absolument inviolable vu le nombre astronomique de combinaisons possibles qu’il faudrait dénouer pour y parvenir). La blockchain n’étant pas hébergée sur un site particulier mais présente sur de multiples ordinateurs interconnectés, mis à jour simultanément en temps réel, chez un très grand nombre d’utilisateurs, la sécurité du système est totale et de plus quasiment gratuite en apparence. Par la technologie blockchain les données sont donc complètement sécurisées mais en même temps accessibles de manière ouverte à tous les utilisateurs.

Suivre son litre de lait à la trace

Au rayon produits laitiers des Super U de Vendée vous vivrez une expérience équivalente. Au milieu de la véritable marée blanche de bouteilles de lait marquetées « éthiques », locales, rémunérant mieux le producteur, respectant le bien-être animal comme « C’est Qui Le Patron » ou « Cœur de Normandie », la brique « Juste et Vendéen » se singularise en certifiant et prouvant sa promesse. Le consommateur, grâce encore à un QR Code, peut connaître précisément l’origine et les caractéristiques du produit (durée de pâturage, alimentation ...). Le promoteur de ce produit, la FDSEA de la Vendée, utilise pour cela une blockchain publique et fait de cette maîtrise directe par le syndicat de producteurs un argument commercial !

Dans ces deux exemples de traçabilité et presque de certification produit, la confiance réside dans la transparence permise par la blockchain. On perçoit cependant rapidement une limite de cette technologie qui garantit les données une fois qu’elle sont intégrées dans le système mais ne peut certifier la véracité de s informations avant leur saisie dans la chaine. Par exemple, si l’éleveur laitier, le volailler, l’accouveur, le fabriquant d’aliment, l’abatteur ou le distributeur de nos exemples enregistrent de fausses informations la sécurité anti-fraude n’est pas garantie. C’est pourquoi la logique de la blockchain est de supprimer au maximum les interventions humaines tout au long de la chaine, d’automatiser les saisies et les transferts de données notamment grâce à l’internet des objets. La garantie des consommateurs rejoint alors la simplification pour les producteurs.

Par exemple une société française APPLIFARM travaille actuellement à une mesure exacte et automatique du pâturage en localisant et suivant les animaux grâce à leur boucle RFID. Cela permettra de certifier automatiquement le temps de pâturage pour le consommateur. Cela permettra en même temps un pilotage plus fin du troupeau en analysant le comportement individuel de chaque animal.

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Quel avenir pour les aires protégées africaines ?

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La faune sauvage des réserves et des parcs africains est menacée par diverses nuisances, l’extraction illégale de bois, les défrichements non contrôlés, le braconnage, l’emprise des mines… Dans un tel conteste, les communautés concernées devraient devenir des partenaires actifs des pouvoirs publics dans la lutte contre l’exploitation incontrôlée des ressources de ces aires « mal protégées », et ainsi assurer plus efficacement la protection de la biodiversité. Encore faut-il leur reconnaître ce droit.

Tsavo, Kenya, (crédit photo P. Jacquemot)

Dans l’imaginaire européen, l’Afrique est indissociablement liée à sa faune. Lions, éléphants, rhinocéros, girafes, guépards, hippopotames… ne sont que quelques-uns des animaux emblématiques qu’abrite ce continent. 15 600 espèces d’animaux et d’oiseaux y sont comptabilisées. L’histoire africaine est longue en matière de conservation de sa faune sauvage. Le premier parc national créé en Afrique, le Parc national Kruger, date de 1898. Il fut suivi par le parc national Albert (aujourd’hui Virunga) créé en 1925 au Congo belge. Après les indépendances, plusieurs États, reconnaissant l’importance de la protection de leurs ressources naturelles, mirent en place de nouvelles aires protégées, souvent avec l’aide d’associations environnementales internationales.

La plupart des pays africains disposent aujourd’hui de zones désignées comme parcs privés, réserves de chasse, réserves forestières, réserves marines, réserves nationales et parcs naturels. Tous ces parcs ont vocation de protéger la faune et de la flore ; ils ont également un rôle économique important pour les différents pays compte tenu de l’intérêt touristique qu’ils présentent.

Selous Game Reserve, Tanzanie (crédit photo P. Jacquemot)

Il ne sera question ici que des aires protégées terrestres. Nous allons voir dans une première partie que ce patrimoine est en danger. 19 % de la faune africaine est considérée comme menacée par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Les réseaux d’aires protégées sont fortement soumis à des tensions sans cesse croissantes, qu’il s’agisse de pressions de la chasse – dont le grand braconnage pour l’ivoire – mais aussi de pressions plus récentes et qui vont en s’intensifiant, comme celle des projets d’exploitation minière ou pétrolière. Des efforts sont entrepris au titre des conventions internationales. Dans une deuxième partie, nous examinerons leur efficacité relative et présenterons quelques situations à valeur d’exemples. Enfin, nous examinerons dans une dernière partie les trois approches proposées pour une gestion durable des parcs et réserves et constaterons que l’inclusion des communautés locales reste l’élément crucial pour que les aires protégées remplissent leur double objectif de développement et de conservation, soit en les associant à la gestion du parc, soit en leur offrant des options alternatives dans ses abords : agriculture, foresterie, écotourisme.

1.    Graves menaces sur la faune sauvage

Parmi les 2 970 espèces animales en voie de disparition dans le monde, l’Afrique compte le plus grand nombre d’espèces inscrites comme « en danger critique d’extinction » et « en danger ». Les causes sont connues : chasse et braconnage, défrichement incontrôlé, croissance de l’emprise agricole, pastoralisme itinérant, feux de brousse, déforestation, trafic d’animaux, projets miniers et pétroliers… L'exploitation et le commerce intensifs de certaines espèces, auxquels s'ajoutent d'autres facteurs tels que la disparition des habitats, peuvent épuiser les populations et même conduire certaines d’entre elles au bord de l'extinction.

La Virunga et la Salonga en grand danger

Sur les huit parcs nationaux existants en RD Congo, cinq se trouvent dans l'est du pays : la Virunga, la Salonga, la Garamba, le Kahuzi Biega, et l’Okapi. Ils sont tous inscrits sur la liste du patrimoine mondial en péril. Comme ces parcs occupent une position stratégique le long de la frontière orientale, ils sont utilisés comme points de passage par les diverses forces armées et groupes rebelles qui se livrent au braconnage d'éléphants pour le commerce de l'ivoire et tuent le gibier et les espèces rares pour en faire de la viande de brousse. Les populations déplacées s’y installent pour assurer leur subsistance, défrichent et abattent les arbres. Les parcs sont notamment menacés par la fabrication du makala, le charbon de bois. Des réseaux organisés coupent les acacias puis transforment le bois dans des fours à peine dissimulés dans les collines. Vu d’avion, les parcs sont truffés de sites déboisés d’où sort une fumée grise. L’exploitation artisanale, en partie illégale, des minerais (coltan, cassitérite, or) qui s’y trouvent souvent a un impact sur la pollution des eaux des rivières et la destruction du couvert végétal.

Dans la Virunga, le plus célèbre des parcs, installé sur les pentes du volcan Nyiragongo les incidents sont fréquents. Dans un climat de guerre civile, l’insécurité y règne ; en deux décennies, 170 gardes du parc ont été assassinés. Les menaces ont récemment pris un tour très inquiétant.

Le gouvernement de la RD Congo a le projet de classer en « zone à intérêt pétrolier » dans deux parcs nationaux, celui de la Virunga précisément, mais aussi celui de la Salonga qui s'étend quant à lui sur une superficie de 33 350 km2 dans 3 provinces, ce qui en fait le plus grand parc national forestier du continent. La zone qu’il est prévu d’installer concerne au total 172 075 hectares soit 21 % de la surface totale des deux parcs.

Rangers avec Emmanuel de Merode, conservateur du parc national des Virunga (crédit photo, médiacongo)

Dans la Virunga, les réserves pétrolières sont estimées à̀ 6 758 milliards de barils avec des recettes budgétaires attendues de sept milliards de dollars. Déjà en juin 2010, Joseph Kabila, le chef de l’État, avait autorisé l’exploration des sols des concessions recouvrant près de 85 % de la surface de la Virunga pour déterminer l’étendue des surfaces pétrolifères exploitables. La société britannique SOCO International commença alors des activités d’exploration. Emmanuel de Merode, le directeur de parc fut gravement blessé dans une embuscade sur la route entre Goma et Rumangabo en 2014. Peu avant cette agression, il avait déposé, auprès du procureur de la République à Goma, un dossier à la suite d’une longue enquête sur SOCO International, avant de renoncer quatre ans après, soumis à une forte pression des environnementalistes. En 2017, la Société nationale des hydrocarbures du Congo (Sonahydro), propriété de l’État congolais a signé un « accord de principe » pour réattribuer le permis de SOCO à une société, Oil Quest International où l’on retrouve certains de ses dirigeants. Début, 2018, Joseph Kabila a autorisé la Compagnie Minière du Congo (COMICO) à explorer un autre bloc qui se situe en partie sur la Salonga. Pourtant, toute exploration comme toute exploitation extractive dans ces deux parcs, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO, sont interdites au regard de la loi congolaise (loi du 22 août 1969 sur la conservation de la nature) et des conventions internationales.

Devant le risque grave et irréversible de dégradation des aires protégées congolaises parmi les plus riches de monde, l’UNESCO a exprimé « sa profonde préoccupation ». Les ONG locales et internationales ont de leur côté demandé l’arrêt de ces projets en dénonçant des conséquences catastrophiques pour l’environnement. Le parc de la Salonga abrite en effet près de 40 % de la population mondiale de bonobos, une espèce de primates de la famille des Hominidés en voie de disparition, tandis que celui des Virunga constitue un habitat vital pour de nombreuses espèces protégées, les hippopotames, les éléphants et certains parmi les derniers gorilles des montagnes au monde.

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Tour du monde des moissons

[inbound_button font_size="14" color="#8d0100" text_color="#ffffff" icon="file-o" url="https://dev.willagri.com/wp-content/uploads/2018/10/Dossier-Willagri-octobre-Tour-du-monde.pdf" width="" target="_blank"]Télécharger le dossier en PDF[/inbound_button]     Le constat est le même. Que la récolte soit faite à la faucille ou au volant.

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La marchandisation du foncier rural en Afrique, enjeux et perspectives

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Depuis une vingtaine d’années, en Afrique, des contrats d’appropriation de terres à grande échelle mettent en jeu, suivant les cas, des États étrangers pour qui ces transactions représentent un moyen de sécuriser leurs approvisionnements en biens alimentaires ou des entreprises et investisseurs privés étrangers cherchant à réaliser des profits soit dans des activités productives à bons rendements, soit dans des activités spéculatives. La controverse autour de ces transactions foncières est devenue intense au point d’amener les États concernés comme les organisations internationales à prendre des mesures de régulation afin d’en limiter les effets les plus péjoratifs pour les populations. Derrière ces actions, c’est tout le système foncier rural africain qui est bouleversé.

 

A l’échelle internationale, la « ruée sur la terre » est montée en intensité après la hausse brutale des prix des produits alimentaires en 2007-2008 et la croissance de la demande en biocarburants en substitution au pétrole. La spéculation a également joué un rôle. La dynamique des marchés financiers a encouragé les gérants de fonds d’investissement à acquérir des droits fonciers pour anticiper la hausse de leur valeur.

En Afrique, les appropriations de terres trouvent leur justification dans l’idée erronée de l’existence d’importantes « terres oisives ». Elles ont concerné ce continent pour un tiers des transactions mondiales et un quart des surfaces concernées. Selon la Commission économique pour l’Afrique, 685 opérations d’investissements fonciers à grande échelle ont été recensées entre 2000 et 2017, couvrant une superficie de près de 40 millions d’hectares de terres sur l’ensemble du continent africain. Ces données comprennent les opérations à tous les stades, de l’expression d’intérêt aux opérations qui ont ou pas abouti. La grande majorité de ces opérations se font en Afrique de l’Est. Des investisseurs - à 80 % non Africains - se voient attribuer des surfaces cultivables de grande taille, dans certaines zones particulièrement favorisées en matière de fertilité, d’accès à l’eau et aux infrastructures, parfois aux dépens des droits des agriculteurs et des éleveurs du lieu, confinés sur des petites surfaces ou entravés dans leurs indispensables transhumances.

Derrière ces opérations de grande envergure, tout le système foncier africain est progressivement ébranlé. Les pratiques coutumières encore prégnantes sont mises en cause, y compris pour les transactions à l’échelle locale. Le télescopage de la forte croissance démographique, de l’urbanisation et des processus de marchandisation du foncier peut être la source de phénomènes d’exclusion et d’appauvrissement des paysanneries, porteurs de graves risques politiques et sociaux. Les projets de réforme du foncier tentent d’endiguer, avec plus ou moins de succès, ces risques.

Ce dossier répond plusieurs questions. Qui sont les grands acquéreurs de terres ? Quels sont leurs motifs ? La marchandisation du foncier est-elle nouvelle ? Concerne-t-elle aussi les transactions locales ? Quels avantages et quels inconvénients présentent ces opérations ? Quelles mesures sont envisagées ?  Enfin quelles sont les conditions sont à réunir pour éviter des transactions abusives et destructrices ?

L’État et les grands acquéreurs

Les pays africains les plus ouverts aux grands investissements fonciers sont l’Éthiopie, la RD Congo, le Soudan, Madagascar, la Sierra Leone, le Congo, le Nigeria, le Liberia, le Mali et la Zambie. Les autorités intervenant dans l’attribution des terres sont variables, mais l’État étant le principal gestionnaire des terres, au nom du principe de la « domanialité généralisée » établi dans presque tous les pays après les Indépendances, son rôle est central. Même dans les pays où, avec la décentralisation, les législations donnent aujourd’hui de nouvelles prérogatives en matière de gestion foncière aux collectivités locales, on observe que les contrats sont signés directement avec l’État. De leur côté, les autorités coutumières peuvent parfois être associées aux cessions dans certains contextes ; elles sont ponctuellement impliquées, mais n’apparaissent pas comme des cédants majeurs dans les grandes transactions foncières réalisées ces dernières décennies.

Les gouvernements de ces pays jouent donc le rôle clé dans la promotion des investissements fonciers. Ils justifient leur choix en mettant en avant la décroissance des moyens publics et de l’aide au développement ciblés sur le secteur agricole depuis deux décennies. L’investissement privé étranger est vu comme un moyen de compenser le déficit structurel d’investissements publics dont souffre l’agriculture. Prenant argument de la nécessaire modernisation de leur agriculture, ils offrent de plus en plus de facilités, avec la création d’agences de promotion spécialisées, l’adoption d’un cadre juridique incitatif (simplification d’accès au foncier, octroi d’avantages fiscaux).

La France, avec 695 000 hectares de terres agricoles acquis depuis 2012, a réalisé a 50 transactions, majoritairement en Afrique de l’Ouest. Elle vient loin derrière d’autres pays occidentaux (en nombre de transactions, le Royaume-Uni est le principal investisseur sur le continent, mais les États-Unis se classent au premier rang en ce qui concerne le montant total des investissements fonciers à grande échelle) et de nombreux pays d’Asie (Indonésie, Malaisie, Inde, Philippines, Corée, Japon, Singapour…) et du Golfe Persique (Émirats Arabes Unis, Arabie Saoudite, Qatar). Contrairement à une idée reçue, la Chine n’est pas le premier investisseur foncier. Dans le classement établi par le Land Matrix, qui sert de référence en la matière, ce pays arrive à la neuvième place. Les investissements s’inscrivent de plus en plus dans une dynamique de relations Sud-Sud. Le Brésil qui maîtrise la technologie dans le secteur des agrocarburants occupe une place croissante. On observe aussi des dynamiques sous-régionales, entre l’Afrique du Sud et la RD Congo par exemple.

Les investisseurs se classent en trois groupes : 1. les fonds souverains et les fonds de pension, attirés par la rentabilité potentielle d’un secteur désormais entré sur les marchés financiers avec des produits dérivés en pleine croissance, 2. les agro-industries et 3. les États cherchant à sécuriser leurs approvisionnements alimentaires et en biocarburants.

Les élites dans les pays d’accueil sont aussi de plus en plus engagées pour des opérations stimulées par la forte demande. En Afrique de l’Ouest, les acquisitions réalisées par des acteurs nationaux (membres du gouvernement, hauts fonctionnaires, chefs religieux, gradés de l’armée, hommes d’affaires) sont largement prépondérantes. Ces acquisitions locales peuvent être réalisées à des fins productives comme à des fins spéculatives ou de thésaurisation. De fait, les frontières entre investisseurs étrangers et nationaux sont parfois floues, les premiers pouvant créer une société dans le pays d’accueil et les seconds s’associant parfois à des entreprises étrangères privées.

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Baisse planétaire des soutiens publics à l’agriculture

[inbound_button font_size="14" color="#8d0100" text_color="#ffffff" icon="file-o" url="https://dev.willagri.com/wp-content/uploads/2018/08/Dossier-Willagri-OCDE.pdf" width="" target="_blank"]Télécharger le dossier en PDF[/inbound_button]     L’OCDE a publié au début de l’été la 31ème édition de son rapport “Politiques agricoles : suivi.

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La crise de la filière européenne du bois tropical en Afrique centrale

[inbound_button font_size="14" color="#8d0100" text_color="#ffffff" icon="file-o" url="https://dev.willagri.com/wp-content/uploads/2018/06/Dossier-Crise-Filiere-Europeenne-Bois-Afrique-Willagri.pdf" width="" target="_blank"]Télécharger le dossier en PDF[/inbound_button]

 

 

Cmnews

Début 2018, la branche Afrique du Groupe Rougier annonce son dépôt de bilan. C’est un choc pour la profession forestière tropicale et les observateurs de l’industrie du bois en Afrique. Entreprise familiale cotée en bourse, la société Rougier fondée en 1923 à Niort, est une des plus anciennes et des plus importantes sociétés exploitant du bois en Afrique. Ses premières exploitations d’okoumé ayant commencé dans les années 1950 au Gabon, elle est également présente au Cameroun, au Congo et, depuis 2015, en Centrafrique (RCA). La surface totale détenue en concession par le groupe Rougier s’élève à plus de 2,3 millions d’hectares et il emploie 3000 salariés, essentiellement en Afrique. Il devrait se désengager totalement ou partiellement de ses activités d’exploitation, sauf au Gabon.

Les raisons indiquées par la direction du Groupe pour ce dépôt de bilan renvoient à des problèmes connus et qui sont communs à l’ensemble de la filière exportatrice. À l’engorgement du port de Douala d’où partent les produits bois de la plupart des entreprises du Cameroun (mais aussi du Congo et de la RCA) après un long acheminement en train ou en camion, s’ajoutent les retards croissants de remboursement de la TVA aux exportateurs par les Etats d’Afrique centrale. Ces problèmes affectent également d’autres sociétés forestières, européennes pour la plupart, qui ont dû céder une partie de leurs actifs ces derniers mois. Le Groupe Wijma Cameroun, à capitaux hollandais, a dû céder en 2017 à une entreprise concurrente (Vicwood SA, dont le siège est à Hong-Kong) quatre de ses cinq concessions forestières au Cameroun. La société italienne Cora Wood SA, fabricant réputé de contreplaqué établi au Gabon, a dû céder une de ses concessions à une société chinoise pour éponger ses dettes. Les rumeurs courent à propos de possibles cessions prochaines d’autres sociétés européennes, au Gabon ou au Congo.

La fin d’un cycle

Même si les cessions d’entreprises forestières européennes à des sociétés asiatiques ont commencé au début des années 2000, il est probable que les difficultés actuelles de Rougier marquent un tournant. Au-delà des problèmes conjoncturels, on sent venir la fin d’un cycle économique assez vertueux. Celui-ci a été ouvert par les premiers plans d’aménagement forestiers dans les années 1990, et s’est prolongé par l’essor de la certification de « bonne gestion forestière » (le label Forest Stewardship Council, FSC) une quinzaine d’années plus tard. On avait alors pensé qu’une exploitation forestière durable de la forêt naturelle, conciliant profitabilité économique, dimension écologique et progrès social, avait démontré sa faisabilité en Afrique centrale, malgré les problèmes notoires de gouvernance dans cette région. Cependant, la profitabilité de l’exploitation des forêts naturelles repose, jusqu’à maintenant, sur le prélèvement d’une poignée d’espèces bien connues des consommateurs de bois. Au Gabon, c’est l’okoumé ; au Cameroun, l’ayous, le sapelli et l’azobé ; au Congo, le sapelli au Nord et l’okoumé au Sud ; en RCA, le sapelli ; et en RDC, ce sont quelques essences précieuses comme le wengé ou l’afrormosia qui permettent de rentabiliser les opérations. L’avantage de cette exploitation extrêmement sélective est que la forêt n’est guère endommagée par des prélèvements qui dépassent rarement, en moyenne, un ou deux arbres par hectare, soit10 à 12 m3. Le revers de la médaille est que la concentration des récoltes sur cette poignée d’essences conduit progressivement à un épuisement du « gisement » au fur et à mesure que les forêts sont mises en exploitation de manière systématique. Cet épuisement ne signifie pas, en principe, que ces espèces deviennent menacées de disparition. Le problème est plutôt économique : les volumes restant au deuxième passage d’exploitation (légalement, 25 à 30 ans entre deux passages) ne suffisent généralement plus pour soutenir une activité industrielle et répondre à la demande des marchés. Le cas de la société Rougier est emblématique à cet égard : son rachat, en 2015, d’une concession en RCA répondait à la volonté d’approvisionner la principale usine du groupe au Cameroun, peu éloignée de la frontière centrafricaine. C’était une conséquence directe de la baisse des volumes disponibles de sapelli et d’ayous dans l’Est du Cameroun, région exploitée de manière répétée (par les industriels mais aussi par les exploitants artisanaux) depuis plusieurs décennies. Au Cameroun, l’abandon de plusieurs concessions par la société Wijma est également liée à la forte baisse du volume d’azobé à la fin du premier passage en exploitation de ces permis.

Cirad

S’il reste encore de nombreux sapelli dans les concessions du nord Congo ou d’okoumé dans celles du Gabon, les opérateurs pressentent qu’ils arrivent à la fin d’un cycle, et que la « rente de forêt primaire », ce volume exceptionnel obtenu lors des premiers passages en coupe dans les forêts anciennes, achève progressivement de se dissiper. Certes, il y a de nombreuses autres espèces exploitées ou potentiellement exploitables dans ces forêts. Mais, soit elles ne sont pas suffisamment abondantes pour remplacer les essences traditionnelles, soit leur prix de vente est insuffisant au regard des coûts d’exploitation, de transport, et éventuellement de transformation. Les marchés sont assez conservateurs, et les ordres d’achat tendent à se concentrer sur les essences les plus connues. Si, sur la dernière décennie, les acheteurs ont commencé à s’intéresser plus sérieusement à des essences comme l’okan ou le tali, dont les prix ont ainsi connu des augmentations spectaculaires, ces exemples restent rares et ces deux espèces ne sont pas suffisamment abondantes pour acquérir la même importance économique que le sapelli ou l’okoumé.

La plantation d’espèces de bois d’œuvre constituerait la réponse logique à cet épuisement des « gisements » traditionnels en forêt naturelle. Mais on sait que, sans puissantes incitations économiques ou directives autoritaires d’une administration clairvoyante, les opérateurs économiques n’investiront pas dans de coûteuses plantations qui n’entreront en production que dans trois décennies. En outre, la sylviculture des essences les plus intéressantes économiquement n’est pas toujours bien maîtrisée. Et la qualité n’est pas toujours au rendez-vous : les okoumés plantés, par exemple, n’offrent pas la même qualité de bois que les okoumés sauvages. Reste enfin la question des droits de propriété : qui possèdera, dans une trentaine d’années, les droits sur des arbres plantés au sein des concessions par des opérateurs qui ne seront sans doute plus en activité ?

Une compétition faussée ?

Les concessionnaires européens, jadis incontournables dans l’exploitation et l’industrie du bois africain cèdent peu à peu leurs actifs aux investisseurs asiatiques. Si les opérateurs malaisiens sont présents en Afrique centrale depuis le milieu des années 1990[1], des entreprises chinoises sont entrées en force dans la filière depuis les années 2000, et, plus récemment, ce sont des investisseurs indiens, dont la multinationale Olam, qui se sont fait remarquer au Gabon et au Congo. Ces exploitants disposent de capitaux importants et les marchés sur lesquels ils opèrent acceptent des qualités parfois inférieures à celles que demandent les acheteurs européens. Ceci leur permet d’exploiter une gamme plus large d’espèces – même si la composition spécifique de leurs récoltes n’est pas, en fin de compte, très différente de celle de leurs homologues européens.

La montée en puissance de ces opérateurs asiatiques dans l’industrie forestière fait écho, bien sûr, à celle que l’on observe dans les autres secteurs économiques en Afrique. Elle correspond aussi à l’évolution des flux commerciaux, avec des exportations de bois africain qui se destinent de moins en moins à l’Europe et de plus en plus à l’Asie. La Chine vient en tête, mais l’Inde et le Vietnam accroissent rapidement leurs achats.  Les opérateurs européens se demandent s’ils jouent bien à armes égales avec certains de leurs compétiteurs asiatiques. Les grandes entreprises européennes se sont progressivement conformées aux normes légales en préparant des plans d’aménagement forestiers, rendus obligatoires par les nouvelles générations de lois forestières apparues dans les années 1990-2000.  Une partie d’entre elles est allée plus loin, en adoptant une certification forestière exigeante, le FSC. Ce label est important pour gagner ou conserver des parts de marché sur certains marchés occidentaux sensibles aux questions environnementales (en Europe du Nord, notamment) et espérer un prix d’achat plus élevé pour les bois ainsi labellisés. La certification constitue donc un investissement, qui pousse les entreprises à s’autoréguler pour ne pas perdre le label dont la mise en œuvre sur le terrain est vérifiée régulièrement par des auditeurs indépendants. Or, mis à part la société Olam qui a racheté en 2011 à une société danoise une grande concession déjà certifiée au nord Congo, aucun opérateur à capitaux asiatiques n’a cherché sérieusement, au moins jusqu’à présent, à obtenir le label FSC pour ses permis. Et nombre d’entre eux n’ont pas préparé ou ne mettent pas en œuvre de plan d’aménagement. Des entreprises asiatiques sont souvent épinglées par les observateurs pour des activités illicites. Ces derniers mois au Gabon l’exploitation et l’exportation illégale du kévazingo, une essence de haute valeur commerciale, a défrayé la chronique. Les sanctions prises par les administrations à l’encontre de ces pratiques illicites, sans être inexistantes, ne sont guère dissuasives : il est rare qu’un contrat de concession soit annulé ou que de très fortes amendes soient prononcées. L’exportation des bois en container, y compris, aujourd’hui, les grumes, inspectés de manière aléatoire facilite les trafics. L’application des lois est, à l’évidence, défaillante, et ceci est en partie à l’origine des différences de profitabilité entre nombre d’entreprises asiatiques et la plupart des entreprises européennes. Si les bois certifiés sont vendus plus cher sur certains marchés sensibles, une bonne partie des bois labellisés s’écoule à prix courant sur les marchés du Sud et de l’Est de l’Europe, du Moyen-Orient ou de l’Asie. Et dans ce cas, l’investissement dans la certification n’est pas rentable.

Des investissements insuffisants pour l’innovation

Si l’on peut estimer que la « mauvaise gouvernance » fausse la compétition entre les entreprises certifiées et les autres, les opérateurs « historiques » payent aussi des investissements insuffisants dans l’innovation technique et le marketing. Contrairement à une idée reçue, la majorité du bois africain aujourd’hui exportée est transformée localement. Si certaines entreprises, notamment italiennes, ont su se différencier en proposant des produits sophistiqués et attractifs, la plupart des transformateurs restent concentrés sur des « commodités », c’est-à-dire des sciages de taille standard, des bois déroulés pour les placages ou du contreplaqué. Vendre des commodités, c’est se condamner à rester « price taker », à dépendre des cours internationaux des bois et des préférences changeantes des acheteurs.  Et ces derniers se tournent volontiers vers les bois asiatiques, voire les bois tempérés ou boréaux, quand les prix des bois africains grimpent exagérément à leurs yeux.

Fabriquer des produits finis, valoriser intelligemment les sous-produits du bois, trouver des utilisations appropriées aux espèces abondantes, mais faiblement rémunératrices (en les plaçant, par exemple, au cœur des contreplaqués, comme les industriels d’Asie le font avec du bois de peuplier enserré dans des feuilles de placage d’essences « nobles ») constituent des voies possibles pour retrouver la valeur ajoutée qui tend à se dissiper avec la raréfaction des essences traditionnelles qui ont permis l’essor de l’industrie africaine du bois. Optimiser la chaîne de valeur, cela peut signifier également valoriser les déchets de bois à travers des processus de cogénération, dès lors que le contexte s’y prête et que la production de bois mensuelle est suffisamment élevée pour rentabiliser l’opération. S’il ne faut pas sous-estimer les difficultés de telles évolutions dans des pays où les infrastructures sont défaillantes, où le personnel qualifié manque cruellement à l’appel et où les surcoûts sont légion, il reste que certaines des entreprises européennes aujourd’hui en difficulté n’ont sans doute pas su investir de manière avisée les bénéfices confortables qu’elles ont réalisés lors de périodes plus fastes.

L’industrie du bois africain est condamnée à une telle « sortie par le haut » du fait notamment des débouchés restreints des marchés domestiques. Les coûts de production du bois industriel n’ont cessé de croitre depuis deux décennies, du fait des normes d’aménagement, de la fiscalité ou du coût des différents cahiers des charges mis en place par les pouvoirs publics. D’un autre côté, le pouvoir d’achat des consommateurs africains ne progresse guère, voire s’effrite. Si, dans les années 1980, les transformateurs industriels du bois au Cameroun écoulaient entre un quart et un tiers de leur production sur le marché intérieur, cette proportion est devenue presque insignifiante une vingtaine d’années plus tard. C’est le « secteur informel », composé de scieurs artisanaux opérant généralement dans l’illégalité, qui fournit les marchés domestiques en croissance des pays africains. En RD Congo, ces artisanaux mobilisent nettement plus de bois que l’industrie formelle. Quant aux marchés sous-régionaux africains, ils sont en croissance continue mais ne sont guère rémunérateurs, car, là aussi, la concurrence des bois artisanaux, objet de trafics frontaliers intenses (par exemple entre le Cameroun et le Tchad), tire les prix vers le bas.

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La déforestation en Afrique. Comment éviter le pire ?

[inbound_button font_size="14" color="#8d0100" text_color="#ffffff" icon="file-o" url="https://dev.willagri.com/wp-content/uploads/2018/03/Dossier-Deforestation-en-Afrique-Willagri.pdf" width="" target="_blank"]Télécharger le dossier en PDF[/inbound_button]

 

 

 

Avec plus de 240 millions d'hectares de couvert forestier, l’Afrique abrite dans sa partie centrale la deuxième plus grande forêt tropicale au monde, après l’Amazonie et avant la Papouasie-Nouvelle Guinée. La déforestation est un processus qui s’inscrit dans la longue durée, avec une accélération depuis les années 1990. Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO, la forêt humide ne couvrirait en Afrique que 37 % de son hypothétique superficie « initiale ». Le sort de la forêt africaine est un enjeu pour l’environnement mondial. Ainsi les tourbières qui couvrent 145,000 km2 d’un espace marécageux à cheval entre le Congo-Brazzaville et la RDC, soit une zone un peu plus grande que l’Angleterre. Ces tourbières stockent environ trente milliards de tonnes de carbone. Cela représente autant de carbone que les émissions d’énergie fossile de toute l’humanité sur trois ans, selon les experts. L’exploitation durable des forêts est un enjeu vital. On estime qu’un tiers des forêts mondiales dites de production sont certifiées « bonne gestion ». Mais seulement moins de 2 % des forêts tropicales mondiales le sont.

La diversité des situations doit toutefois être prise en considération. Le taux annuel de déboisement serait de 0,4 à 0,6 % en Afrique centrale et la forêt recouvrirait encore plus de la moitié de sa surface initiale. Les pays du bassin du Congo sont toujours à la première étape de la transition forestière, avec un profil CEFD (couverture forestière élevée-faible déforestation) sans menace irrémédiable.

En revanche la déforestation dépasse 2 % par an en Afrique occidentale, la forêt ayant perdu 85 % de sa superficie initiale. Les pays arrivés à la deuxième ou troisième étape de la transition, celle d’un couvert forestier étriqué ou pire fortement menacé, tels que la majeure partie de l’Afrique occidentale et australe, ont de vastes tranches de forêt présentant de forts taux de déforestation, dus principalement à l’expansion des terres arables et des pâturages et aux coupes pour la fourniture de bois-énergie.

L’inquiétude est donc justifiée. Globalement, la déforestation africaine est celle qui progresse le plus rapidement dans le monde, à un rythme de loin supérieur à celle de la forêt amazonienne. L'évaluation des ressources forestières mondiales par la FAO révèle une perte annuelle d'environ 3,1 millions d'hectares de forêts naturelles en Afrique au cours des cinq dernières années.

On sait que les pertes de forêts constituent une source importante d'émissions de gaz à effet de serre. Les arbres sont des puits de carbone. Les forêts en croissance captent d’importantes quantités de CO² dans leur biomasse, en l’air comme dans leur litière, et dans le sol, dans leurs racines. Si un déboisement est effectué, alors les forêts émettent des gaz à effet de serre, par la combustion ou la décomposition du carbone qu’elles avaient antérieurement séquestré. La déforestation est également à la source d'importantes pertes de biodiversité, ainsi que la cause de perturbations environnementales, comme l'érosion des sols et la dégradation de fertilité, la désertification et les modifications locales du climat. Les sols s’érodant avec la déforestation, les arbres ne maintiennent plus le taux d’humidité dans l’atmosphère et impactent l’intensité et la fréquence des pluies. La concentration de la biodiversité est de moins en moins bien assurée par l’habitat qu’offrent les forêts à diverses espèces de la faune et de la flore. Le thème de la déforestation tropicale pose enfin la question plus générale du développement économique des pays concernés.

Pour cet ensemble de raisons, la déforestation est devenue un sujet de préoccupation environnementale majeure pour l’Afrique, mais aussi pour la planète.

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Les paysans, variable d’ajustement de la modernisation de l’agriculture ?

[inbound_button font_size="14" color="#8d0100" text_color="#ffffff" icon="file-o" url="https://dev.willagri.com/wp-content/uploads/2018/04/Willagri-dossier-paysans-variable-ajustement.pdf" width="" target="_blank"]Télécharger le dossier en PDF[/inbound_button]     L’accroissement de la production agricole a longtemps été une préoccupation majeure des gouvernements du monde entier..

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Les aménagements des bassins fluviaux africains : une gestion partagée ?

[inbound_button font_size="14" color="#8d0100" text_color="#ffffff" icon="file-o" url="https://dev.willagri.com/wp-content/uploads/2018/03/Dossier-Willagri-Amenagements-Bassins-fluviaux-Africains.pdf" width="" target="_blank"]Télécharger le dossier en PDF[/inbound_button]

 

 

La consommation mondiale d’eau était quatre fois inférieure par tête d’habitant il y a un demi-siècle à ce qu’elle est aujourd’hui. Elle augmente nettement plus vite que la population pour au moins trois raisons principales. D’abord l’agriculture représente à elle seule près de 60 % de la consommation et elle est en progrès constant, y compris dans la plupart des pays africains. Ensuite, la consommation industrielle ne cesse de croître à un rythme élevé tant que les découplages eau versus production et énergie versus production ne sont instaurés. Enfin, la consommation humaine (eau potable et usage sanitaire) croît promptement, en particulier en ville, du fait de la demande pour une amélioration constante des conditions d’existence exprimée par les populations. Ajoutons à ces raisons que, selon les projections du GIEC, à chaque degré de température supplémentaire, environ 7 % de la population mondiale perd 20 % de ses ressources en eau renouvelable.

La consommation mondiale d’eau était quatre fois inférieure par tête d’habitant il y a un demi-siècle à ce qu’elle est aujourd’hui. Elle augmente nettement plus vite que la population pour au moins trois raisons principales. D’abord l’agriculture représente à elle seule près de 60 % de la consommation et elle est en progrès constant, y compris dans la plupart des pays africains. Ensuite, la consommation industrielle ne cesse de croître à un rythme élevé tant que les découplages eau vs production et énergie vs production ne sont instaurés. Enfin, la consommation humaine (eau potable et usage sanitaire) croît promptement, en particulier en ville, du fait de la demande pour une amélioration constante des conditions d’existence exprimée par les populations. Ajoutons à ces raisons que, selon les projections du GIEC, à chaque degré de température supplémentaire, environ 7 % de la population mondiale perd 20 % de ses ressources en eau renouvelable.

Les spécialistes sont unanimes à s’accorder à dire que la pression sur les ressources sera incomparablement supérieure dans 20 ans à ce qu’elle est actuellement. Il en sera ainsi en Afrique comme ailleurs. L’amélioration escomptée des conditions de vie de la population du continent, les progrès des États pour atteindre les Objectifs du Développement durable (ODD) qu’ils ont adoptés, la croissance des secteurs agricole et agroalimentaire et le développement manufacturier, même lent, impliqueront, de manière incontournable, une hausse significative de la consommation d’eau, mais aussi d’énergie d’origine hydraulique.

Il est donc devenu urgent d’élaborer des régimes de gestion durable de la ressource des 25 cours d’eau transfrontaliers que compte la région africaine. De quelle manière ? Après avoir présenté quatre cas africains, nous examinerons les perspectives d’évolution des modes de gestion sous l’inspiration de l’approche contemporaine par les « Communs ».

Les principes d’organisation des agences de bassin

Contrairement à une idée répandue, les pays africains, y compris ceux du Sahel, ne manquent pas d’eau. Seuls deux pays (le Cap Vert et le Burkina Faso) se situent en deçà de la norme internationale de rareté (1 700 m3 d’eau douce renouvelable par an et par personne). L’Afrique dispose de la même manière d’un potentiel considérable en ressources hydroélectriques. Le potentiel hydroélectrique en Afrique est inexploité à 92 %, alors qu'il existe des besoins criants non couverts en matière d'accès à l'électricité. Ce potentiel est largement suffisant pour satisfaire tous ses besoins en énergie. Le continent compte certains des plus grands cours d’eau au monde – le Nil, le Congo, le Niger, la Volta et le Zambèze. Le potentiel de production le plus significatif se trouve à Madagascar, au Niger, en Zambie, au Mozambique, en Guinée, en Éthiopie et surtout en RD Congo.

Derrière cette richesse virtuelle, des problèmes importants se posent en termes de disponibilité et d’accessibilité aux moments et aux lieux voulus. Ces problèmes se posent en grande partie à l’échelle des écosystèmes régionaux. L’essentiel des ressources en eau se trouve en effet dans des bassins fluviaux et des aquifères transfrontaliers.

Un bassin fluvial est un espace géographique alimentant un cours d'eau et drainé par lui. Il a pour axe le cours d'eau principal et pour limite la ligne de partage des eaux le séparant des bassins-versants adjacents. Il constitue le territoire pertinent pour traiter les causes en amont des problèmes associés aux eaux de surface : qualité et disponibilité de l’eau, pollution, besoin d’irrigation, besoin pour l’énergie, pêche, etc. L’ampleur des services écosystémiques qu’il rend dépend de son étendue, de sa topographie, de ses sols et de leur couverture végétale, de sa structure géologique, de l'organisation du réseau hydrographique qui le draine et bien sûr du climat qui l'affecte.

Les risques qui pèsent sur ses ressources sont nombreux : ruissellement, érosion des sols, lessivage des intrants agricoles, inondations. Ils sont fortement accentués par des aménagements inadaptés et des pratiques à risques. Il est en conséquence essentiel de bien apprécier ses services, de les évaluer et de les protéger contre la pression foncière, notamment par une politique d’aménagement appropriée, conciliant préservation de la ressource hydrique et utilisation des terres du bassin.

Les bassins fluviaux offrent des terrains privilégiés d’application d’une gestion intégrée des ressources en eau. Celle-ci doit globalement permettre de faire face aux problèmes liés à l’eau et à l’utilisation des terres, mais également à la gestion des intérêts en amont et en aval d’un bassin. Elle doit notamment répondre aux préoccupations nées du déplacement des résidents locaux, qui se chiffrent parfois par dizaine de milliers. Or l’on sait que la réinstallation des populations affectées et la reconstruction de leurs moyens de subsistance ont le plus souvent connu des résultats mitigés en Afrique.

Telle est la fonction des agences de bassin (il en existe par exemple 6 en France, 9 au Maroc) et des organisations en charge de la gestion intégrée des ressources en eau au niveau des bassins transfrontaliers.

Une typologie des organisations de bassin

Pour analyser les organisations de bassin, le Club du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest (CSAO), une plateforme internationale indépendante dont le secrétariat est hébergé au sein de l’OCDE propose de distinguer :

  1. Les agences dont l’objet est un fleuve frontière. Le cours principal du fleuve constitue la frontière entre deux États. Le Fleuve Sénégal par exemple constitue la frontière entre le Mali et le Sénégal sur une partie de son cours et la frontière entre la Mauritanie et le Sénégal sur une autre partie de son cours. Ces trois pays sont les États membres de l’OMVS. L’intégration récente de la Guinée modifie cette configuration et fait passer l’OMVS dans la troisième catégorie décrite ci-dessous.
  2. Celles dont l’objet est un fleuve transfrontalier. Cette catégorie est la plus fréquente en Afrique. Ainsi, le Fleuve Niger traverse successivement la Guinée, le Mali, le Niger et le Nigeria. Son principal affluent, le Bénoué, traverse successivement le Tchad, le Cameroun et le Nigeria. Ces différents pays ainsi que le Burkina, le Bénin, la Côte d’Ivoire d’où partent quelques affluents du fleuve, forment les États membres de l’Autorité du Bassin du fleuve Niger (ABN). Le dispositif de la Gambie est similaire (OMVG) ainsi que celui du bassin de la Volta (ABV).
  3. Celles enfin, gérant un cours d’eau qui est frontalier dans certaines de ses sections et transfrontalier dans d’autres. En prenant en compte la Guinée (pays amont et nouveau membre de l’OMVS), le Fleuve Sénégal peut être rangé dans cette catégorie de cours d’eau.

Source : CSAO, 2006

Les questions d’organisation des bassins sont cruciales. Lorsque, par exemple, la responsabilité de l’eau potable repose sur une agence, celle de l’eau pour l’irrigation sur une autre agence, celle pour l’énergie sur une troisième, le manque de relations entre les trois entités entraîne inévitablement une gestion pour le moins hasardeuse et une mise en valeur sous-optimale de la ressource, avec pour résultat du gaspillage. C’est la raison pour laquelle, depuis plusieurs décennies, de nombreuses initiatives ont été amorcées à l’échelle de grands ensembles hydrographiques dans plusieurs régions africaines.

Au cours des décennies qui ont suivi les indépendances africaines, plus de 150 grands barrages ont été construits en Afrique de l’Ouest. Bien d’autres l’ont été ailleurs sur le continent. D’autres encore sont en phase de planification pour faire face aux besoins de la région en eau mais aussi en énergie. Plusieurs expériences de gestion transfrontalières ont été créées avec des succès variés.

 

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L’agriculture familiale peut-elle assurer la sécurité alimentaire de l’Afrique subsaharienne ?

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La sous-alimentation affecte un quart de la population en Afrique au sud du Sahara. Et les taux de malnutrition aiguë parmi les enfants dépassent souvent les seuils d’alerte de 15 %. Le problème est ancien et les progrès obtenus ces dernières années sont insuffisants. La sécurité alimentaire et nutritionnelle demeure un défi considérable pour le présent. Comme la population du sous-continent va doubler d’ici 2050, pour atteindre 2,2 milliards d’habitants, il le sera encore davantage pour l’avenir.

La sécurité alimentaire est assurée quand toutes les personnes, à tout moment, ont économiquement et physiquement accès à une alimentation suffisante, sûre et nutritive, qui satisfait leurs besoins nutritionnels et leurs préférences alimentaires afin de leur permettre de mener une vie active et saine. Cette définition universellement reconnue, énoncée par le Conseil mondial de l’alimentation, met ainsi en avant quatre dimensions : l’accès à une quantité suffisante d'aliments pour avoir une croissance normale, une qualité sanitaire et nutritionnelle des aliments, le respect des préférences alimentaires, enfin la régularité de leur accès et de leur disponibilité.

La lenteur des progrès en Afrique subsaharienne est attribuée à la faible productivité de l’agriculture, à la forte croissance de la population et à souvent aux effets induits de l’instabilité politique ou la récurrence des conflits. Les différences de situation sont importantes et les performances obtenues dans les pays connaissant des situations politiques favorables laissent penser qu’il est possible d’améliorer la sécurité alimentaire de façon durable et pérenne grâce à des systèmes de gouvernance, des capacités institutionnelles et des mesures structurelles et sectorielles adaptées. Mais surtout grâce à une agriculture paysanne performante. Tel est le sujet de cet article.

Comment le monde rural africain, majoritairement constitué de petites exploitations et qui concentre encore 60 % de la population active, peut-il contribuer par sa production à cette sécurité alimentaire ? Comment les marchés locaux et régionaux peuvent-ils parvenir à satisfaire au mieux les demandes tant urbaines que rurales ? Plusieurs études apportent des enseignements utiles sur les mutations en cours. On peut en retenir des enseignements réunis sous dix thèmes.

Reconnaître la place centrale de l’agriculture paysanne.

Les aires culturales reflètent les choix des sociétés paysannes devant la diversité des milieux, d’où la typologie des géographes : Afrique des troupeaux, Afrique des greniers et de la houe, Afrique des paniers, Afrique des bananiers et des euphorbes. Mais pratiquement partout, la grande majorité des exploitations agricoles est organisée sur la base de la petite exploitation familiale qui cohabite avec des enclaves agro-industrielles, tournées vers l’exportation et dont le nombre a augmenté depuis 2000, en même temps qu’apparaissaient de nouvelles spéculations (agrocarburants, horticulture).

L’agriculture familiale, paysanne et communautaire, occupe un demi-milliard de personnes. Elle est caractérisée par la prégnance de l’organisation lignagère et par l’étroitesse des liens entre activités sociales et activités économiques. Elle est de taille modeste, mais elle assure de 80 % à 90 % de l’offre agricole. Elle présente plusieurs avantages : auto-emploi, gestion directe du risque alimentaire par l’autoconsommation, absence de coûts de transaction, connaissance intime du milieu naturel… En retour, elle est fortement vulnérable, tant aux conditions du marché qu’aux aléas climatiques. Ce qui l’amène de plus en plus à s’ouvrir à l’innovation.

Crédit photo, Gret

Dès que le réseau le permet, la téléphonie mobile s’installe, rompant l’isolement, apportant des informations sur la météo, les prix, les marchés… Dès que l’énergie devient disponible, grâce par exemple à une plateforme solaire multi-usages, une multitude d’activités deviennent possibles, comme la réfrigération ou la mise sous vide des aliments, la soudure pour les équipements agricoles, mais aussi la couture, le stockage des médicaments…

La capacité de cette agriculture à absorber une fraction des nouveaux arrivants dépendra de la viabilité économique des exploitations, ce qui suppose qu’elle soit en mesure d’affronter divers enjeux comme celui de la productivité du travail et de la terre, celui de l’accès au crédit et aux marchés urbains, celui de la constitution de capacités de stockage pour lutter contre les pertes après récolte, mais par-dessus tout celui en amont de la sécurisation foncière, le seul moyen d’impliquer véritablement la paysannerie dans la durée, convaincue qu’elle est alors capable d’œuvrer pour son bien-être et celui des générations futures.

L’agroécologie, qui s’inscrit comme on le verra plus loin dans le temps long, repose très largement sur la continuité de l’action des paysans. Or, c’est d’abord par une concurrence sur la maîtrise du foncier que se manifeste le face-à-face entre l’agro-industrie et l’agroécologie paysanne. Depuis quelques années, on assiste à l’appropriation croissante par les États, les sociétés minières, les spéculateurs, les sociétés agroalimentaires et de puissantes élites locales des terres, forêts, pâturages, et autres ressources des communautés qui ne maîtrisent pas les outils juridiques ni les réseaux permettant de faire face à ces puissants acteurs. Le foncier est, on le sait, un grave sujet controversé. Il l’est sur deux plans. D’abord celui de la reconnaissance des droits locaux « coutumiers », souvent enchevêtrés, une question complexe au cœur des débats actuels sur les réformes des politiques foncières. Ensuite celui de maîtrise du processus des acquisitions de terres à grande échelle (land grabbing) qui a pris une grande dimension depuis une quinzaine d’années et qui s’est installé dans l’agenda international.

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Certifications contre déforestation

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Une brève histoire de la sécurité alimentaire

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N’en déplaise aux Cassandres et malthusiens de tous poils qui n’ont cessé  de nous annoncer, siècle après siècle, que l’humanité finirait par succomber à la famine, victime d’une croissance démographique incontrôlée. Le dossier d’André Neveu montre, de manière vivante, comme l’humanité a su, à travers les âges, relever avec succès le défi de la sécurité alimentaire. De quoi être optimiste pour l’avenir…

WillAgri    

 

Pendant des siècles, les difficultés de transport et la médiocrité des excédents alimentaires disponibles imposent à chaque communauté et à chaque pays de vivre sur ses propres ressources. Mais en cas de récoltes insuffisantes, la pénurie s’installe, et si les mauvaises années se succèdent, la famine frappe les populations les plus démunies.

Certes en son temps, l’empire romain a mis au point toute une organisation en vue d’approvisionner sa capitale à partir de la Sicile, la Tunisie et d’autres régions de l’empire. Mais pendant tout le Moyen Age, les échanges commerciaux alimentaires sont nuls ou négligeables. Seuls, les produits coûteux (épices, vins…) voyagent sur de longues distances.

Les temps modernes et les premières mesures pour améliorer l’approvisionnement des villes

Dans un monde longtemps extrêmement compartimenté, la satisfaction des besoins alimentaires est totalement déterminée par l’état des récoltes de l’année en cours, donc du climat observé ou plutôt subi. Les pénuries et les famines sont donc fréquentes, et pas seulement en Afrique ou dans les pays asiatiques. La France de Louis XIV n’en est pas exempte : en 1693-1694, plus d’un millions de français et de françaises sont morts de faim (sur un total de 18 millions).

Cependant, pour éviter le renouvellement de telles catastrophes, on s’efforce de faciliter le commerce intérieur des céréales depuis les régions excédentaires vers les régions déficitaires. En raison de l’état déplorable des routes et de la lenteur des transports terrestres, on utilise de plus en plus les fleuves pour acheminer les produits pondéreux par voie d’eau. Et à partir du 17ème siècle, l’Angleterre, les Flandres, l’Allemagne et dans une moindre mesure la France, creusent les premiers canaux[1].

Certains pays complètent aussi leurs ressources alimentaires par des importations maritimes. L’Amérique du Nord et la Russie sont mises à contribution. Les grandes villes portuaires comme Londres ou Amsterdam sont ainsi approvisionnés car leurs besoins céréaliers sont  de plus en plus importants et qu’ils ne peuvent être satisfaits par la production des régions environnantes. On connait aussi l’épisode du vaisseau « le Vengeur » dont le sacrifice en 1794 a permis à un convoi de blé américain d’entrer dans le port de Brest[2]. Ou, vers la même époque, les importations d’Algérie dont le non paiement finit par susciter la colère du Dey d’Alger, avec les conséquences que l’on sait.

1840-1940 : les colonies sont mises à contribution

Au début du 19ème siècle, alors que la population mondiale atteint un milliard de personnes, l’émigration permet de desserrer l’étau de la surpopulation. C’est le début de la conquête de l’Ouest américain, mais aussi les premières implantations russes en Sibérie. Assez rapidement, ces nouveaux territoires agricoles dégagent d’importants excédents, principalement de céréales. Bientôt le chemin de fer facilite leur transport vers le port le plus proche d’où elles sont chargées sur des cargos jusqu’à leur destination finale qu’est l’Europe.

Mais à l’époque, ce sont surtout les colonies qui sont chargées de compléter l’alimentation des métropoles. L’Angleterre fait largement appel au Canada et à l’Inde ainsi qu’à quelques autres pays qui se situent dans son orbite commerciale et financière (vin du Portugal, viande d’Argentine…). La France importe du blé et du vin d’Afrique du Nord, de l’huile du Sénégal, du riz d’Indochine. La Belgique et les Pays Bas exploitent également à cette fin leurs propres colonies. Personne ne se soucie des conditions de vie des populations en charge de produire à vil prix pour le compte des pays colonisateurs.

Les pays qui ne disposent pas de ce type de ressources doivent se les procurer à grands frais sur les marchés internationaux. Ils cherchent aussi à étendre leur territoire pour accroître leurs ressources alimentaires : l’Allemagne nazi convoite le sud de la Pologne et l’Ukraine, le Japon occupe la Mandchourie, l’Italie fasciste veut installer des colons en Lybie. Après la seconde guerre mondiale, ces projets ou ces chimères sont évidemment vite oubliés et même le rôle des colonies tend à régresser, avant de disparaître définitivement.

1945-1970 : Les Etats-Unis découvrent le « pouvoir vert »

Lors de la crise économique des années 1930, les Etats-Unis accumulent d’importants excédents agricoles difficiles à écouler sur des marchés déprimés. Pour les agriculteurs américains, la seconde guerre mondiale est une aubaine car les besoins des armées sont énormes. Et au sortir de la guerre, les productions agricoles des pays européens, mais aussi du Japon, se sont effondrées. C’est une nouvelle opportunité qui s’ouvre pour les agriculteurs américains. Certes, ces pays (à l’exception de quelques rares pays neutres) manquent cruellement de devises et notamment de dollars. Qu’à cela ne tienne : le gouvernement américain propose son crédit et en attendant lance un plan d’aides aux pays d’Europe occidentale.

 C’est le plan Marshall destiné à venir en aide à ces pays. Celui-ci mobilise au profit de l’Europe de l’Ouest 16,5 milliards de dollars (dont 11 de dons) entre 1948 et 1951. L’objectif est à la fois d’éviter que ces pays basculent dans le camp soviétique, mais aussi de créer des liens commerciaux appelés à se pérenniser. La production agricole de l’Europe occidentale se redresse rapidement et bientôt dépasse celle d’avant guerre.

 En 1962, la création du Marché commun agricole suscite un certain trouble dans cette belle organisation car elle a pour conséquence une diminution des importations de céréales américaines. Mais lors du « Dillon-Round », les Etats-Unis obtiennent, en compensation de ce manque à gagner, un accès libre aux pays européens pour leur soja, sous forme de graines aussi bien que de tourteaux. Ce régime privilégié est toujours en vigueur.

Dans le même temps, et toujours pour s’opposer à l’expansion du communisme en Asie, les Etats-Unis financent des centres de recherche agronomique dans ces pays. Ceux-ci ont pour mission de mettre au point des variétés de céréales à haut rendement ainsi que les techniques nécessaires pour les utiliser dans les meilleures conditions. C’est la « révolution verte » qui va permettre d’éviter le retour des famines et de nourrir une population en croissance rapide dans le Sud et L’Est asiatique.

1 Biographie d’André Neveu

André Neveu est ingénieur, agronome, économiste et membre de l’Académie d’agriculture de France

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Ces startups qui préparent une révolution agricole !

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Le dossier de Jean-Marie Séronie – un des meilleurs spécialistes français de l’agriculture numérique et auteur du livre Vers un bjg bang agricole – est probablement une des rares analyses que l’on puisse lire sur l’éclosion et la vigueur des startups de l’agriculture numérique en France. Elles révolutionnent en profondeur, et en silence, nos pratiques agricoles et ouvrent la voie à une nouvelle économie politique de l’agriculture. Jean-Marie Séronie a, en outre, interrogé les startups les plus représentatives. Seize – dont deux sont en fait des sociétés de financement – ont répondu à ses questions. L’auteur en a tiré seize profils, sous forme de seize fiches, qui permettront au lecteur d’avoir une vision plus concrète des acteurs du big bang agricole.

WillAgri

Le numérique est une véritable révolution en marche dans tous les secteurs de l’économie et de notre vie quotidienne. En agriculture cela pourrait conduire dans les années qui viennent à des transformations aussi importantes que celles provoquées par l’arrivée massive des tracteurs dans nos campagnes au lendemain de la guerre.

Ces mutations ne sont, bien sûr, pas instantanées et prendront quelques années pour se généraliser. Elles se font pourtant à un rythme très rapide que nous n’avions encore jamais connu. C’est en grand partie, en agriculture comme ailleurs, le fait des start-ups. On attribue généralement à ces entreprises nouvellement créées de grandes vertus de créativité, d’innovation et surtout d’agilité, de réactivité notamment quand on les compare aux grandes entreprises ou aux organisations professionnelles.

Elles bousculent l’ordre économique établi sur plusieurs plans. Fonctionnant en mode agile, elles privilégient l’expérience utilisateur, l’expérimentation, le prototypage… plutôt que des études d’opportunité, de faisabilité, de marché, …les prévisionnels n’ont pas beaucoup de sens à leurs yeux… elles préfèrent ce que certains appellent le mode design au fonctionnement traditionnel. Souvent les équipes sont mobiles, avec beaucoup de travailleurs indépendants, de contributeurs plutôt que des salariés. Les dirigeants sont visionnaires dans leur domaine, ils demeurent en général très ouverts et très à l’écoute de leur environnement ce qui est également une façon de nourrir et d’enrichir leur projet. Ils fonctionnent énormément en réseau, virtuels évidemment, mais aussi réel

« IRL » - In the real Life – selon ce nouvel acronyme né des réseaux sociaux.

Une fraîcheur bienvenue

En matière agricole, elles apportent une fraicheur nouvelle car elles ne sont pas enfermées dans les freins, les tabous, la préservation de l’ordre établi qui sclérosent la plupart des organisations et entreprises agricoles. Les créateurs de ces start-ups « agricoles » ont dans la plupart des cas un parcours professionnel totalement extérieur à l’agriculture. Ils ont souvent une première expé- rience dans les hautes technologies ou dans la communication. Mais quand on les connaît un peu mieux on se rend vite compte qu’un au moins des associés à un rapport personnel assez intime avec l’agriculture, souvent d’ordre familial.

Financièrement ces start-ups fonctionnent également sur un modèle particulier. Faiblement capitalisées elles ont en général peu d’actifs et privilégient l’usage à la propriété. Pendant leur phase de montée en puissance elles investissent beaucoup en communication et en développement. Elles privilégient la croissance, le positionnement sur le marché aux bénéfices financiers à court terme. Dès qu’elles peuvent montrer que leur idée est devenue une réalité diffusable et utilisable, la fameuse POC dont parlent les startupers, comprendre « proof of concept », elles procèdent régulièrement à des levées de fonds. Des fonds spécialisés dans les startups agricoles sont en train de se créer, soit directement comme (Voir Startupfarmer, Fiche 12) soit par création d’un fonds dédié au sein d’une structure financière plus importante (Voir Emertec, Fiche 13). Leurs performances se mesurent davantage par leur développement que par la marge dégagée et les salaires sont payés avec les capitaux collectés. En ce sens elles présentent de grandes fragilités dès que la dynamique s’essouffle ou que les regards se détournent. Pour autant certains succès sont foudroyants dès lors que l’offre proposée est facile d’accès, que les bénéfices sont rapides et très visibles. Ce développement est d’autant plus rapide que l’offre fait face à une demande non satisfaite et que les dirigeants de l’entreprise savent astucieusement attirer la lumière des projecteurs.

Entre partenariat et disruption

Ces start-ups sont donc source d’un dynamisme nouveau et font bouger pas mal de lignes. Elles sont très fascinantes, innovent dans de la création de valeur pour les agriculteurs. Ce faisant elles sont potentiellement anxiogènes pour l’écosystème agricole traditionnel. Elles peuvent provoquer des réflexes protectionnistes. D’ailleurs nombre de ces start-ups manœuvrent très habilement leur embarcation légère au milieu des paquebots agricoles en allant à leur rencontre sur un mode partenarial. Elles évitent soigneusement les chocs frontaux préférant passer du temps dans les cénacles agricoles proclamant haut et fort la complémentarité de leurs offres (aussi disruptives soient-elles à moyen terme) par rapport à celles existantes. Signe de temps nouveaux, un des plus hauts responsables syndicaux agricole français a pu s’exclamer « pour faire avancer l’agriculture numérique je fais davantage confiance aux start-up qu’à nos organisations agricoles ! » sans pro- voquer de tollé dans la salle.

En France l’écosystème des startups est dynamique autour de ce qu’on appelle les « FinTech » (domaine financier) les « Ag Tech » (production agricole) et les « FoodTech » (Alimentation).

Une part importante des nouvelles offres s’articulent autour de plateformes. Elles mettent en relation des univers différents pour réaliser des affaires de manière bilatérale ou multilatérale. Les places de marché sur lesquelles s’échangent des produits et des services côtoient des plateformes collaboratives sur lesquelles s’échangent des informations et se construisent des connaissances, parmi celles-ci bien sûr on trouve les réseaux sociaux.

Le monde des plateformes

En matière agricole nous commençons à voir apparaître et nous verrons sans doute rapidement se développer des plateformes mettant en relation les agriculteurs avec leurs fournisseurs de produits ou de services (à ne pas confondre avec les intra ou extranet de ces organisations). D’autres leur permettront de commercialiser leurs produits que ce soit directement aux consommateurs mais aussi aux entreprises de transformation ou de commerce international (Voir Le comparateur agricole, Fiche 16 page 17). D’autres encore permettront aux agriculteurs de communiquer entre eux pour échanger des biens ou des services. La plateforme (WeFarmUp Fiche 4 page 5) permet de proposer du matériel (tracteurs, machines ...) au moment où on ne s’en sert pas. L’offreur comme le preneur rationnalisent ainsi la gestion de leur parc matériel. Pour échanger la culture de parcelles éloignées de son siège d’exploitation contre d’autres plus proches, Echanges parcelles (Fiche 5 page 6) permet des échanges à deux, voir tournants à trois agriculteurs afin de rationaliser le parcellaire.

On peut également partager et monétiser des conseils, des informations ou des compétences. Ainsi AGRIFIND (Fiche 1 page 2) permet, que l’on soit agriculteur ou conseiller, de proposer ses compétences. Un site comme FARMLEAP (Fiche 2 page 3) permet d’animer des groupes d’échanges et de partager des résultats et des expériences , de mettre en commun de manière sécurisée ses performances pour les comparer. Piloter sa Ferme (PSF, Fiche 3 page 4) est une plateforme qui propose un robot de conseil permettant d’automatiser de manière rationnelle et personnalisée ses ventes.

Enfin d’autres plateformes permettent d’établir des liens entre des épargnants et des exploitants agricoles pour financer les entreprises agricoles. C’est le financement par la foule, « le crowfunding ». Cela peut se faire par des dons en échange d’une contrepartie en nature comme Miimosa (Fiche 14 page 15) ou de manière plus classique par des prêts (Agrilend, Fiche 15 page 16). On entrevoit rapidement le potentiel d’évolution de ces nouvelles façons de faire par rapport aux organisations établies.

Les données, futur graal de la performance ?

La performance des exploitations sera à l’évidence améliorée par une nouvelle gestion des don- nées. De nouveaux outils de pilotage permettront l’agriculture mesurée et l’agriculture de précision (la bonne intervention, à la bonne dose, au bon endroit ou sur le bon animal, au moment optimal). Cela permet de faire des économies et de réduire l’empreinte environnementale. On sait en effet aujourd’hui traiter beaucoup plus rapidement des quantités de données de plus en plus importantes et surtout de mélanger des données de plus en plus variées. C’est toute la promesse du Big data. Les startups sont très actives en la matière. Certaines développent des capteurs permettant de mettre en données la nature, le réel. Cela peut être des sondes dans les sols comme Weenat (Fiche 6 page 7), des captures d’images de végétaux ou dans les bâtiments agricoles comme Copeek (Fiche 7 page 8), de l’enregistrement des mouvements des machines agricoles dans les parcelles (Karnott, Fiche 8 page 9).

D’autres permettent ensuite de stocker, d’agréger et de mettre à disposition de manière simple toutes ces données et provenant de sources diverses. C’est par exemple le cas de 365Farmnet (Fiche 9 page 10). A partir de ces données disponibles, les offres de valorisation en tableau de pilotage, conseils seront de plus en plus nombreuses comme Agroptimize (Fiche 11 page 12) ou Perfarmer (Fiche 10).

Nous sommes, donc, devant une transformation profonde et sans doute rapide du monde agricole. La vitalité et la créativité des startups en font assurément des acteurs importants et centraux de ce qui sera peut-être demain considéré comme un véritable big bang agricole. Il sera certainement créateur de richesses par la symbiose entre l’augmentation de la productivité agricole, la transition écologique et la transition numérique. Il va bien donc bien au-delà d’une nouvelle ère technolo- gique.

NB Cet article s’inspire très directement de l’essai « Vers un Big Bang agricole, la révolution numérique et l’agriculture » JM Séronie Editions France Agricole Sept 2016.

1 Jean-Marie Séronie

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Les robots sont dans le pré

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Anne-Marie Paulais1 et Jean-Baptiste Pembrun2

 

De la traite des vaches à la cueillette de fruits, jusqu’au désherbage mécanique, les perspectives de la robotique agricole sont multiples et prometteuses. A l’instar des autres secteurs, la robotisation agricole a d’abord comme objectif d’automatiser les tâches répétitives. La liste des taches accomplies par les robots comprend quasiment l’ensemble des travaux agricoles : traite et soin des bovins, surveillance des volailles, logistique, épandage des intrants, désherbade, cueillette des fruits et légumes, etc. Souvent conçus sur mesure pour chaque type de plante, les robots répondent aux exigences de l’agriculture de précision et à celles du respect de l’environnement, notamment la réduction du recours aux désherbants chimiques. Les flottilles de minirobots autonomes et communiquant entre eux tendent à remplacer les engins lourds dommageables pour la conservation des sols. Elles coexisteront avec les gros tracteurs autonomes. Une question hante les esprits : va-t-on vers une agriculture sans agriculteurs ? En France seulement, 80 000 emplois seraient déjà menacés par la robotique. En fait, la robotique pourrait donner naissance à un nouvel agriculteur, tout à la fois agronome et technicien qualifié.

WillAgri

Procleaner robot de lavage des salles en porcheries. photo AM.Paulais

C'est en France, au milieu des années 80, que Magali, le premier robot de cueillette, a été imaginé par l’Institut de recherche Cemagref (aujourd’hui Irstea) et la société Pellenc. Il est rapidement abandonné car il est trop cher à l’achat, il cause trop de dégâts aux arbres et, au final, il intéresse peu les arboriculteurs. Trente ans après, le projet ressort des cartons au Centre technique interprofessionnel des fruits et légumes (CTIFL) qui pilote un programme de robotisation. L'enjeu est clair : baisser la part de la main-d'oeuvre dans le prix de revient des fruits.

Après des débuts poussifs, la robotique est aujourd’hui porteuse d’espoirs pour le monde agricole. La contrainte environnementale de plus en plus forte favorise l’avènement de nouveaux types de production, comme l’agriculture biologique ou l’agriculture de précision. Ces dernières nécessitent une main-d’œuvre accrue, pour réaliser, par exemple, un désherbage mécanique ou effectuer des traitements très localisés. Dans ce contexte, les robots peuvent apporter des solutions, en permettant d’effectuer avec précision des tâches répétitives libérant ainsi les agriculteurs pour d’autres opérations. On attend aussi des robots une meilleure productivité et un moindre impact sur l’environnement du fait de l’utilisation de machines plus légères. En élevage, la robotisation est une réponse à l’accroissement de la taille des troupeaux, à la difficulté à recruter des salariés et à la recherche d’une meilleure qualité de vie libérée de certaines astreintes comme la traite.

Trois catégories de robots agricoles

Selon leur degré de complexité et d’autonomie, les robots (agricoles ou non) peuvent être classés en trois grandes catégories (1) :

  1. Les plus simples sont les systèmes dont les outils embarqués n’ont pas de contact physique direct avec l’environnement de travail. Ce sont, par exemple, les plateformes robotisées de surveillance des parcelles, dotés de capteurs de mesures sans contact (caméra hyper-spectrale, lidar...). . Les plateformes d’assistance logistique pour le transport et le débardage, les robots d’épandage localisé d’engrais ou d’herbicides et les robots de pulvérisation font aussi partie de cette première catégorie.
  2. Les robots, dont les outils entrent en contact avec l’environnement de travail mais sans préhension, englobent les robots d’entretien mécanique des cultures (binage, désherbage mécanique, éclaircissage de fleurs...) et les robots de tonte.
  3. La dernière catégorie de robots est capable d’effectuer des tâches complexes avec contacts physiques des outils embarqués et préhension d’objets (plantes, fruits). Ce sont typiquement les robots destinés à des opérations de récolte, de taille et de plantation ou transplantation , toutes activités pour lesquelles il est de plus en plus difficile de trouver des opérateurs humains.

Gain de temps et réduction des contraintes

Antoine Boixière et André Sergent. Photo AM.Paulais

Lely vector en cours de remplissage en ferme. Photo AM.Paulais

Les robots se sont d’abord introduits dans les fermes d’élevage. Le premier robot de traite est apparu à la fin des années 80 aux Pays-Bas et en 1992 en France. On compte aujourd’hui dans l’Hexagone un peu plus de 4 800 robots de traite selon une estimation de l’Institut de l’élevage. Depuis quelques années, la robotique agricole s’est étendue au paillage et raclage des bâtiments et à la distribution des rations.
La dernière édition du salon Space (12 au 15 septembre à Rennes) a montré comment la robotisation se mettait au service de l’éleveur. Sur la plate-forme « l’Espace pour demain », les témoignages d’experts et d’éleveurs équipés sont venus nourrir durant 4 jours le débat à propos de cette nouvelle mutation agricole. André Sergent, président de la chambre d’Agriculture du Finistère, à l’origine de cette initiative, le dit clairement : « Le robot pose plus de question qu’il ne provoque de rejets. Il intéresse particulièrement les jeunes qui veulent s’installer, mais plus largement tous les éleveurs qui ont du mal à concilier élevage et vie de famille ».
Pour Antoine Boixière, associé avec son père au sein d'une exploitation laitière de 130 vaches laitières pour une référence de 1400 000 litres dans les Côtes-d’Armor, la robotisation allège le travail de l’éleveur, améliore sa qualité de vie en permettant de dégager du temps libre et améliore aussi le confort des animaux. Par exemple, en enregistrant les cellules chaque jour, il favorise la détection précoce des mammites. Equipé de deux robots de traite, le GAEC du Tertre Goutte a récemment robotisé la préparation et la

Lely vector Robot distributeur et repousse-fourrages. Photo AM.Paulais

distribution des rations aux vaches laitières (robot Lely Vector) ,sans compter le paillage et le raclage. Antoine Boixière envisage sérieusement l’acquisition d’un robot pour l’alimentation des petits veaux.
Pour certains éleveurs, le frein à l’adoption des robots est la demande de plus en plus pressante des consommateurs pour que les vaches sortent des étables et accèdent au pâturage. Quand le parcellaire le permet certains concilient pâturage et robot de traite.
En élevage porcin, les éleveurs ont de plus en plus de mal à trouver des salariés pour assurer le lavage des salles. Une solution robotisée Procleaner était exposée sur l’Espace pour demain.

* Ingénieur agronome de formation, Anne-Marie Paulais est journaliste, spécialiste des productions animales et de l’élevage.
Ingénieur agronome de formation, Jean-Baptiste Pambrun est journaliste, spécialiste des productions végétales et de l’agrofourniture.

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La révolution de l’électrification rurale en Afrique est-elle en marche ?

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On le sait, l’insuffisance d’infrastructures handicape lourdement l’agriculture africaine. Outre les routes, les entrepôts de stockage ou les réseaux de télécommunication, l’absence d’un réseau électrique fiable obère lourdement les activités agricoles. En l’absence de réseaux électriques centralisés, l’Afrique a inventé, avec l’aide internationale, les projets électriques hors réseaux décentralisés qui peuvent desservir une famille, un village ou une région. Comme dans bien d’autres domaines, dont les multiples usages du téléphone portable, l’Afrique fait preuve de beaucoup d’imagination en matière énergétique. Pierre Jacquemot recense dans ce dossier bien documenté les différentes solutions techniques off grid, les modèles d’organisation et de gestion de ces mini-réseaux. Pierre Jacquemot est prudent quant à l’efficacité de réseaux décentralisés, mais n’en estime pas moins, à l’instar de l’Agence internationale de l’énergie, qu’en 2040, 530 millions d’Africains n’auront d’autre choix que de recourir à l’électricité hors-réseau. Ne serait-ce que pour satisfaire les besoins les plus élémentaires en matière d’éclairage domestique, de fonctionnement des réfrigérateurs ou d’irrigation.

WillAgri

Un chiffre donne la mesure du défi énergétique africain: l’Ethiopie qui compte 94 millions d’habitants consomme un tiers de l’électricité utilisée à Washington qui compte 600 000 habitants. Dans tout le continent, le chalenge est considérable : 640 millions d’Africains n’ont pas accès à l’électricité. Mais les réponses s’organisent, avec une forte dose d’innovations et sur des bases décentralisées. Selon les estimations de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA), environ 100 millions de personnes en Afrique, ont déjà accès à l’électricité grâce à des modes de production d’énergie décentralisés. Partout de nouveaux projets hors-réseaux (off-grid) voient le jour. Des dispositifs techniques adaptés sont mis en œuvre par des entreprises, des coopératives et des groupements, des collectivités locales, des agences d’électrification rurale et des ONG. La question centrale est aujourd’hui de savoir si les systèmes décentralisés contribuent effectivement à la solution pour les populations rurales du « trilemme  énergétique » : comment garantir une énergie à la fois accessible, de qualité et à un prix abordable.

Les dispositifs très divers qui se déploient appartiennent à diverses familles de solutions selon leur taille et les besoins à satisfaire: pico, micro et mini. Font-ils système et  pourraient ils se multiplier à grande échelle? Pour répondre il faut interroger le terrain. Les retours d’expériences sont riches d’enseignements sur la place et sur l’efficacité des modèles d’organisation dans le temps et dans l’espace, sur les rôles respectifs des acteurs et les modes de régulation. Ils donnent d’utiles leçons, sur la tarification à mettre en œuvre et sur les mécanismes de financements, et, bien que tous ne soient pas encore suffisamment documentés, ils apportent des premières indications sur l’envergure de leur contribution à la transformation des sociétés rurales.

1. Des options techniques de plus en plus diversifiées

Les technologies disponibles en matière d’électrification décentralisée appartiennent à trois familles situées aux  premiers niveaux de l’échelle de l’électrification. Les pico-dispositifs isolés, limités à l’approvisionnement d’un ménage ou d’une petite entité collective,  sont situés au premier échelon, pour des usages simples, de l’éclairage domestique à l’alimentation d’une école ou d’un centre de santé. Les micro-réseaux,  sous la forme de kiosques ou de plateformes énergétiques de taille modeste, offrent divers services domestiques et publics à l’équivalent d’une communauté villageoise. Enfin, les mini-réseaux composés d’un générateur central et d’un système de distribution en réseau, fonctionnent également en toute autonomie et peuvent répondre à des demandes de puissance relativement élevées à des fins sociales et économiques. Nombre de projets  – environ un quart parmi ceux recensés – font appel à au moins deux familles de solutions et combinent sous une forme hybride deux ou plusieurs sources d’énergie (thermique, solaire, éolien, hydraulique, biomasse).

La rapide diffusion des pico-technologies

Le terme de kit pico-photovoltaïque est utilisé pour désigner des systèmes solaires portatifs fournissant un éclairage (lampe solaire en dessous de 5W) ou mieux des fonctions élargies à l’échelle d’un ménage pour des appareils électriques de petite taille, avec une capacité allant de 6 à 200W. L’équipement complet d’un ménage revient  entre 100 et 1000 dollars, avec le plus souvent un panneau photovoltaïque, une batterie, une ou plusieurs lampes et éventuellement un régulateur.

Crédit photo : Velux

On trouve des pico-dispositifs (appelés aussi standalone off-grid systems)  dans plus de 25 pays d’Afrique, majoritairement au Kenya, en Tanzanie et en Ethiopie où ils touchent 15 à 20% des ruraux, avec le plus souvent un système de paiement pay-as-you-go que nous étudierons plus loin. Ainsi, Devergy créé en 2010 opère en zone rurale en Tanzanie auprès de 120 000 ménages. PowerGen, fondé au Kenya en 2011, a installé des centaines de dispositifs à partir d’énergie renouvelable dans 7 pays avec des méthodes innovantes (smart metering, pay-as-you-go, distributed storage, interconnections). GDF Suez Rassembleurs d’Energies, Schneider Electric et Orange France Telecom se sont quant à eux engagés financièrement auprès de la société Fenix Intl, installée en Afrique de l’Est et dans la Silicon Valley, qui commercialise avec l’opérateur MTN mobile des solutions individuelles d’électrification à plus de 100 000 clients (et six fois plus de bénéficiaires) en Ouganda.

La formule touche progressivement l’Afrique de l’Ouest. Autour d'une société commune, ZECI, en Côte d’Ivoire, Off Grid Electric, une entreprise américaine, et EDF ont engagé un partenariat pour la fourniture de kits individuels comprenant des panneaux solaires adossés à des batteries payables par simple utilisation d’un téléphone portable, avec pour projet d’alimenter près de 2 millions de personnes à l’horizon 2020. Un autre projet significatif est porté au Burkina Faso par la Fondation Energies pour le monde (Fondem), en partenariat financier avec les Caisses Populaires de la zone et un fournisseur-installateur local. Egalement créée avec la même fondation française, Energie du Ciel en Guinée produit et vend des kits solaires avec une particularité : leurs régulateurs électroniques sont composés de matériaux recyclés.

Dans les bourgs ruraux, la vente se fait souvent en boutique ou sur les marchés. Mais les solutions les plus pertinentes et durables sont sans aucun doute celles qui intègrent l’écosystème local dans la chaîne de distribution. Il peut s’agir d’associations et d’institutions de microfinance déjà implantés, de coopératives rurales, de petits commerçants itinérants, etc. Le projet Nafa Naana d’Entrepreneurs du Monde au Burkina Faso s’appuie sur un réseau de revendeurs franchisés et sur des partenariats avec des associations, des groupements de femmes, etc. Un autre exemple innovant est donné par Bboxx, une entreprise britannique qui en Ouganda fabrique et distribue des kits solaires de 250 W, avec Great Lakes Coffee, une coopérative de producteurs de café représentée sur tout le territoire et dont les membres se transforment ainsi en revendeurs de kits solaires. Le groupe Total possède de ce point de vue un avantage avec son propre réseau de distribution, le plus important en Afrique : ses stations services permettent de rayonner sur un large territoire.

D’aucuns parlent de « révolution » comme les rapports de Lighting Africa et d’Hystra qui mettent en évidence l’extraordinaire succès des pico-dispositifs : ainsi de 2009 à 2016, la vente de lanternes solaires a-t-elle été multipliée par 200 en Afrique. L’expansion de ce secteur s’explique par plusieurs raisons. Le montage des équipements peut se faire localement.

A Dédougou au Burkina Faso est fabriquée une lampe solaire, Lagazel K1500. L’entreprise a lancé une ligne de production « hors sol » répartie dans trois conteneurs en tôle et permettant de fabriquer 200 000 lampes par an. Son objectif d’ici à 2020  est de créer dix ateliers et vendre 1,3 million de lampes solaires. L’équipement simple répond aux primo besoins d’électricité des ruraux (éclairage, charge téléphone, radio, TV). Il peut servir à l’alimentation de très petits équipements en substitution au diesel. Les solutions sont évolutives ce qui permet aux ménages d’investir au fur et à mesure, en fonction de leurs ressources disponibles, lesquelles sont le plus souvent variables dans le temps. Par ailleurs, les ménages peuvent s’équiper très vite, du jour au lendemain, sans attendre le développement d’une formule collective, toujours longue et complexe à mettre en place.

La qualité de l’équipement est-il un critère décisif de choix  pour les pauvres ? Assurément l’option low cost ou « basique » séduit majoritairement les utilisateurs au faible pouvoir d’achat. Sur des marchés fortement tirés par la demande, des garanties sur la qualité et la durée de vie des équipements ne sont pas toujours considérées au premier abord comme essentielles, même si, avec le temps les comportements évoluent vers plus d’exigences dans un marché de « bouche à oreille ». L’initiative « Lighting Global » menée par la Banque Mondiale pour favoriser le développement d’un marché de solutions d’éclairage propre off-grid en Afrique, a défini depuis 2009 des standards stricts de qualité (puissance d’éclairage, durée d’éclairage, durée de vie de la batterie, qualité de l’assemblage, solidité).

 

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Étude d'impact environnemental et social (EIES) des projets agricoles en Afrique subsaharienne

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L’agriculture subsaharienne dans son contexte traditionnel

L’agriculture paysanne traditionnelle en Afrique subsaharienne est généralement une agriculture de nature extensive, basée sur le défrichement et le brûlage des formations végétales naturelles existantes : forêts, savanes1. La fertilité des sols forestiers, à laquelle s’ajoute l’amendement apporté par les cendres des brûlis, bénéficie à peu de frais aux cultures nouvellement installées.

Le travail du sol se fait typiquement à la main, ‘avec la daba’2 et le paysan, le plus souvent pauvre, ne peut acheter ni engrais manufacturés, ni pesticides : il ajoute au sol, dans le meilleur des cas, de l’engrais vert issu des amas végétaux du désherbage, ou il bénéficie des déjections laissées par les animaux domestiques qui vaquent dans les champs en vaine pâture. Les types d’exploitation agricole traditionnels s’appuient donc sur des systèmes de rotations sur jachères longues retournant parfois à la forêt, peu consommateurs d’intrants et sans résidus. S’ils sont peu productifs, ils sont « 100% bio » et génèrent, en majorité des déchets biodégradables. Ils ne présentent pas - sinon de façon marginale - d’impacts négatifs significatifs sur l’environnement.

 

Répondre au développement démographique, économique et aux défis de la mondialisation

Cependant, si de tels systèmes peuvent perdurer dans des contextes de faibles densités démographiques et d’espaces vacants disponibles - comme cela pouvait se rencontrer fréquemment avant la colonisation dans un continent sous-peuplé - ils ne sont plus viables aujourd’hui, dans un contexte de forte expansion démographique, induisant la raréfaction des terres et la dégradation et disparition des écosystèmes naturels, comme on peut l’observer à présent dans nombre de pays d’Afrique3.

De plus, de tels systèmes, fortement consommateurs d’espace, ne sont plus tenables face à la nécessité de conserver les forêts considérées aujourd’hui comme des puits de carbone dans le cadre des enjeux planétaires de la lutte contre le réchauffement climatique. A cet égard, le Bassin du Congo – 3e massif forestier mondial en étendue4 - est devenu une cible d’intérêt stratégique spécifique sous haute surveillance, notamment de la part des ONGs internationales et des scientifiques5.

Par conséquent, les systèmes agraires traditionnels doivent nécessairement devenir plus productifs pour nourrir plus de populations, plus intensifs pour consommer moins de terres, plus rentables pour dégager plus de revenus, en résumé plus performants pour permettre au continent africain de sortir de pauvreté endémique.

Mais l’agriculture intensive génère des impacts sur l’environnement

L’intensification de la production agricole nécessite l’emploi de matériels végétaux adaptés (semences sélectionnées, améliorées), l’usage d’engrais (verts et de synthèse) et de pesticides (via la lutte biologique et les produits chimiques), la mécanisation du travail des sols (préparation, sarclages, épandages, récoltes), le conditionnement et le stockage des denrées (séchage, décorticage, stockage…), leur valorisation sur place (agro-industries de 1ère, 2ème, 3ème transformation)…, tout cela dans un environnement aménagé, c’est-à-dire doté des infrastructures nécessaires pour l’apport de fournitures et services (artisans, commerces, banques…) et pour la commercialisation des produits (routes, marchés, ports…).

 

1 Avec des exceptions notables, parmi lesquelles on trouve des systèmes agraires traditionnels intensifs, comme par exemple : la culture de l’oignon  en pays Dogon au Mali, la culture du mil sur terrasses en pays Kapsiki au Cameroun, la culture du riz sur estran à mangrove en pays Balante en Guinée-Bissau, la culture du bananier sur collines en pays Hutu au Burundi…
2 A la houe.
3 On trouve encore de grandes zones inoccupées susceptibles d’exploitation par l’agriculture, soit des zones de forêts denses comme dans le bassin du Congo, soit des zones de savanes encore infestées par la mouche tsé-tsé, comme dans certains pays d’Afrique australe (Mozambique, Zimbabwe…).
4 Après l’Amazonie et la Sibérie.
5 Cf. un récent article du Monde du 24/07/17 : « Forêts du Congo : des scientifiques dénoncent à leur tour le projet de l’Agence française de développement ».

 

Biographie Patrice Mauranges

M. Mauranges, géographe et ingénieur forestier, est un environnementaliste expérimenté en matière de projets concernant le développement rural, de développement durable, le changement climatique... Depuis 35 ans, il a effectué plus de 50 missions sur ces sujets dans une trentaine de pays d’Afrique.

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Recul général de l’agriculture familiale

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La question foncière, au cœur de la sécurité alimentaire

Selon le Comité technique « Foncier et Développement »2, le foncier peut être défini comme l’ensemble des rapports entre les personnes pour l’accès et le contrôle de la terre et la gestion des ressources naturelles. Il est au cœur des enjeux économiques, politiques et sociaux. 

 

La compréhension des processus à l’œuvre passe par une compréhension :

  • des droits et usages relatifs au foncier,
  • de l’économie des ménages, notamment la gestion intrafamiliale de la terre,
  • du champ communautaire et public et des politiques mises en œuvre.

Le rapport social que définit le foncier ne concerne pas seulement la relation entre un exploitant et un propriétaire. En effet, l’émergence des préoccupations environnementales place la question foncière au cœur de la gestion des ressources naturelles renouvelables. Cela renvoie à la fonction des sols, composante essentielle de la terre.

Les sols, dont la formation est un processus très lent, sont non seulement le déterminant de la production végétale mais aussi de la qualité des produits et donc, indirectement, de la santé humaine, par les transferts d’éléments dans la chaîne alimentaire (dont les polluants). Par ailleurs, les fonctions environnementales donnent aux sols un rôle plus large dans la préservation de la qualité des autres composantes de l’environnement. Ils influencent directement la qualité de l’air, en tant que puits et source de carbone et lieux de dénitrification.

 

Le foncier et les politiques publiques : la gouvernance foncière

Les pays du Sud sont aujourd’hui confrontés à des défis inédits. La croissance démographique accentue la pression foncière sur l’ensemble des territoires. Les populations se concentrent à la périphérie des villes sans que les opportunités d’emploi ne suivent. Les crises climatiques s’aggravent et réduisent la disponibilité des ressources naturelles (en particulier des ressources en eau). Les appropriations massives de terres fragilisent les droits aux ressources des populations et, en conséquence, leurs moyens de subsistance et la sécurité alimentaire des pays.

Trouver des réponses à la hauteur de ces problèmes inédits est une nécessité. Elles impliquent des politiques publiques ambitieuses, qui prennent acte de l’enjeu, et puissent agir à plusieurs niveaux et sur plusieurs secteurs en même temps. Les politiques foncières sont un des ressorts clés de ces politiques publiques. Parce qu’elles définissent les rapports entre les hommes à propos de la terre et des ressources naturelles, elles ont des incidences politiques, économiques et sociales majeures.

Question foncière et sécurité alimentaire

La question foncière est au premier plan des préoccupations relatives à la sécurité alimentaire. Ce qui est en jeu, c’est bien la capacité à faire face aux besoins alimentaires en croissance rapide. La hausse spectaculaire des prix des produits alimentaires en 2007 et 2008 a modifié les stratégies des firmes et des États. En l’absence de ressources nationales suffisantes pour accroître la production nationale, des nouvelles stratégies de sécurisation alimentaire passent pour des États (Chine, monarchies pétrolières) par la sécurisation foncière dans d’autres pays, par achats et locations de terres comme cela se pratique aujourd’hui à grande échelle, notamment en Afrique. A cette stratégie de l’accès aux ressources qui mobilise plusieurs États s’ajoutent celle des STN (Sociétés transnationales) pour l’accès à la terre, pour l’intervention renforcée dans l’agriculture pour la spéculation et pour la production de nouveaux produits. Cela leur permet de renforcer leur pouvoir monopoliste sur l’alimentation et sur l’énergie avec la croissance rapide de la demande d’agrocarburants dans une économie de plus en plus énergivore.

1 Dossier écrit par Jacques Loyat.
Jacques Loyat est ingénieur général honoraire du Génie rural des eaux et des forêts et a été responsable de la conduite de projets relatifs au développement durable, au sein du ministère de l'Agriculture. Il est chargé de cours sur l'agriculture européenne et la PAC à l'IEP de Strasbourg. Auteur de nombreux ouvrages dont « Les Agricultures du monde ».

2 Comité technique « Foncier et Développement », 2008. Gouvernance foncière et sécurisation des droits dans les pays du Sud. Livre blanc des acteurs français de la coopération. Septembre 2008.

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Le numérique envahit l'agriculture

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Le numérique envahit l’agriculture

1. La troisième révolution agricole

Le couple infernal agriculture/climat

Créée au sommet climat de l’ONU en septembre 2014, l’Alliance mondiale pour une agriculture intelligente face au climat (GASCA) est l’héritière du Climate smart agriculture lancé par la FAO en 2010. Il s’agit, dans les deux cas, de faire d’une pierre deux coups : d’une part, réduire l’insécurité alimentaire et de l’autre, tempérer freiner le réchauffement climatique. C’est un rêve : réconcilier ce couple infernal que forment le climat et l’agriculture. Ces deux initiatives, malgré ses augustes parrains, ont été dénoncées par des universitaires et des ONG de renom comme des fourreaux des grands groupes chimiques et agro-industriels. Le débat n’est pas donc pas clos et n’est pas prêt de l’être. Qui s’en s’étonnerait ? Toute tentative d’optimiser l’utilisation des intrants chimiques est considérée par leurs adversaires comme une tentative à peine déguisée de leur légitimation.

Il n’existe pas de réponse simple à ce débat car l’agriculture occupe une position paradoxale. Elle est tout à la fois victime et coupable. Victime, l’agriculture pourrait voir ses rendements réduits de 10 à 20% par l’alternance des périodes de sécheresse, d’inondation et autres invasions de parasites. Coupable, l’agriculture est à l’origine de 30% des émissions mondiales des gaz à effet de serre. Juge de paix honnête, la Climate smart agriculture (CMA) organisée, entre autres, par la CIRAD, l’INRA, AGROPOLIS ou la FAO, a cru trouver la bonne réponse. Il demande à l’agriculture d’être à la fois productive, résiliente et durable. Bel exemple d’irrésolution qui ne mange pas beaucoup de pain mais qui finira par aboutir à un compromis nommé agriculture de précision.

En un mot comme en cent le recours aux fertilisants organiques demeurera certainement une nécessité. La question est comment en réduire l’impact environnemental. Nous en étions là sans nous rendre compte qu’une révolution silencieuse était, probablement, en train de résoudre cette quadrature du cercle : oui, on peut tout à la fois protéger les plantes, fertiliser les cultures et élever des veaux tout en réduisant les émissions de gaz. Mieux, on dispose de techniques moins gourmandes en intrants et plus généreuses en rendements. Cette révolution silencieuse porte un nom : la révolution numérique. Comme souvent, en histoire des sciences, les hommes prennent conscience des révolutions bien après qu’elles aient eu lieu.

Rarement révolution pouvait mieux tomber à point. Les pays pauvres d’Afrique sub-saharienne, entre autres, où l’agriculture, représentant 20 à 30% du PIB, est toujours et désespérément tributaire des incertitudes climatiques. Près d’un milliard d’êtres humains, presque tous, paradoxalement fermiers vivent au dessous du seuil de pauvreté. Faut-il en rajouter ? Rappelons ces chiffres archi-connus : pour nourrir les 9 millions d’êtres humains que comptera la planète en 2050, la production alimentaire devra augmenter de 70%. Et encore, eût-il fallu apprendre à produire sous le joug de l’épée de Damoclès des catastrophes climatiques (inondations et sécheresses) et, ce, avec moins de ressources (moins d’eau, moins de terre arable...).

Comme si cela ne suffisait pas, ce défi démographique est aggravé par une évolution sociologique de grande ampleur. D’ici 2035, plus de 3 milliards d’habitants des pays émergents jouiront d’un niveau de vie proche de celui des classes moyennes des pays développés. Ces « nouveaux riches » consommeront plus de voitures, mais aussi plus de viande. Il faudra leur fournir une part de steaks ou de gigots plus ou moins équivalente à la nôtre. L’extension de l’élevage, activité agricole la plus gourmande en eau – une vache en lactation consomme 100 litres d’eau par jour –provoquerait un stress hydrique insupportable. Certains ont déjà élaboré de nouveaux modèles de consommation plus frugaux.

L’agriculture est coutumière des aléas naturels, des désordres économiques, risques sanitaires et nous en passons. A ces fragilités, viennent s’ajouter des défis démographiques et sociologiques.. L’irruption du numérique apporte un espoir d’ordre et de rationalité et de réduction des incertitudes. Ses enjeux dépassent les seuls agriculteurs, ils sont devenus ceux de tous les citoyens.

Et l’agriculture devint intelligente

La digitalisation a bousculé l’agriculture comme elle l’a fait pour toutes les activités économiques. Son irruption dans les champs est moins brutale parce que, s’il est une activité plus attachée à la tradition – et pour de bonnes raisons que nous aimons tous - c’est bien l’agriculture. La rencontre est prometteuse.

On voudra bien se souvenir comment la « révolution verte », pendant les années 60-90 sauva des milliards d’êtres humains de la famine grâce à la combinaison de variétés résistantes, à l’utilisation massive de fertilisants chimiques et à l’irrigation. Le prix à payer fut certes élevé : pollution, eutrophisation et perte de biodiversité.
C’est donc contre les ravages de cette première révolution qu’est née la notion d’une agriculture durable inspirée de l’agroécologie, c’est-à-dire de pratiques écologiques appliquées à l’agriculture. Les concepts font d’ailleurs florès : écoagriculture, agriculture raisonnée... L’objectif est partout le même: la révolution verte moins ses effets dévastateurs.

Il est un concept qui aura la vie plus longue : celui d’agriculture de précision. Cette technique est née quand s’est posée la question de savoir s’il était possible de moduler le traitement de parcelles voisines en fonction de la nature de leur sol et de leur culture et d’y adapter , semences, fertilisants, quantité d’eau, pesticides...Ce traitement «sur mesure » peut diaboliquement varier d’un mètre carré à l’autre grâce aux capteurs terrestres ou embarqués (sur des tracteurs). Les drones complétaient le travail par leur capacité à dénicher des poches d’animaux nuisibles. Les stations météo terrestres fournissaient de précieuses indications sur l’hygrométrie. La robotisation des matériels a emboîté le pas à la mesure et au traitement des données.

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